L’instruction des indigènes en Algérie

L’instruction des indigènes en Algérie
Revue pédagogique, premier semestre 1883 (p. 22-31).

L’INSTRUCTION DES INDIGÈNES EN ALGÉRIE



La plupart des questions algériennes à l’ordre du jour sont d’une solution très difficile, parce que, touchant à des intérêts divers et souvent opposés, elles divisent forcément l’opinion. Une seule possède ce rare privilège de mettre tout le monde d’accord. Il y a quelques jours, M. Ballue demandait à la Chambre d’affecter à l’instruction des indigènes une partie des ressources budgétaires destinées à la colonisation et, d’autre part, M. Thomson, député de Constantine, invitait le ministre compétent à porter son attention de ce côté. Sans contester l’importance des autres questions, on doit convenir que celle-ci est d’ordre capital. Je ne veux pas énumérer toutes les bonnes raisons qui plaident en faveur de l’instruction des indigènes ; sur ce point il y a cause gagnée. L’entente est faite sur le principe, les prémisses sont posées ; il s’agit maintenant d’en dégager la conclusion. Il faut mettre à profit la bonne volonté générale et passer s’il est possible à l’exécution.

Le plan ou plutôt l’esquisse que je vais essayer de tracer réclame quelques explications préalables. L’organisation proposée ne s’étend pas aux enfants des deux sexes, non que l’instruction des filles ne doive, en Algérie comme en France, avoir son heure ; mais, il ne faut pas l’oublier, nous avons affaire à une société musulmane dans laquelle la condition de la femme est loin d’être la même que chez nous. Sur ce chapitre, nos sujets algériens ont, comme tous leurs coreligionnaires, une manière de voir et une façon d’agir à eux ; ils ont des idées, des habitudes, des mœurs avec lesquelles il nous faut bien compter. Nous aurons contre nous assez de préjugés sans nous heurter d’abord au plus redoutable peut-être et au plus enraciné de tous. Ce n’est pas en accumulant les difficultés, mais en les divisant, qu’on peut se flatter de les résoudre. Plus tard, quand l’expérience qu’on va tenter aura réussi, le moment viendra d’en essayer une nouvelle. Des générations façonnées par l’instruction déjà répandue s’y prêteront plus facilement. Mais on compromettrait le succès de l’œuvre entière si, dès à présent, l’on prétendait la faire complète.

On s’étonnera peut-être de voir qu’aucune différence n’est faite entre les diverses populations indigènes. C’est que nous sommes intéressés à instruire les unes aussi bien que les autres. Outre que, pour ma part, je ne considère pas comme démontrée la grande supériorité du Berbère sur l’Arabe, il me paraît difficile, les deux éléments étant presque partout mélangés et confondus, de les distinguer nettement l’un de l’autre. Que l’on ait affaire à des hommes de race berbère ou de race arabe, le problème est à peu près le même, Mais ses données varient et par conséquent la méthode de solution doit se modifier, suivant qu’il s’agit d’indigènes en contact direct avec les Européens, ou d’indigènes vivant sur des territoires où n’a pas encore pénétré la colonisation. Sur tous les points où le peuplement européen est d’une certaine importance, on trouve l’instruction primaire organisée ; on n’a qu’à en élargir les cadres pour y faire entrer les indigènes. Ailleurs au contraire, c’est-à-dire en dehors des communes de plein exercice, tout est à créer.

I

Les communes de plein exercice comprennent des villes et des villages. Dans les villes, l’instruction primaire est plus richement dotée, mieux outillée, mieux pourvue de toutes façons ; la population musulmane est relativement peu nombreuse, souvent elle est en minorité. La partie fixe de cette population, celle qui forme des familles, a des mœurs douces, des habitudes paisibles ; si la plupart des enfants de cette classe ne fréquentent point les écoles, cela tient à l’inertie proverbiale des parents. Le trait dominant du caractère maure, c’est la passivité : il faut donc leur forcer la main, et rien n’est plus facile. Qu’on étende à l’Algérie le principe de l’obligation inscrit dans la loi, qu’on le déclare applicable aux indigènes musulmans domiciliés dans les villes. Pour que cette réforme ait son effet, il sera évidemment nécessaire d’augmenter le nombre et la contenance des écoles et de renforcer quelque peu le personnel ; de là un surcroît de dépense qu’il ne serait guère possible de mettre à la charge des communes ; les communes algériennes sont loin d’être riches et elles se sont déjà imposé, pour organiser l’instruction primaire, les plus lourds sacrifices. L’État interviendrait pour supporter les frais d’édification ou d’agrandissement d’écoles et pour rétribuer le personnel supplémentaire qu’il faudrait ajouter à l’ancien. C’est, à peu de chose près, ce qui se passe dans beaucoup de communes de la métropole, où l’on construit les bâtiments scolaires au moyen d’avances faites par la caisse des écoles et où l’État prend à sa charge tout ou partie des frais du personnel.

Dans les communes rurales de plein exercice, les conditions ne sont plus les mêmes. La proportion des habitants indigènes est incomparablement plus forte ; ils vivent souvent disséminés sur d’assez grands espaces, avec des moyens de communication très imparfaits ; ils sont d’ailleurs moins maniables que les Maures. L’obligation serait assez mal accueillie par eux et d’ailleurs inapplicable. Pour quelque temps on devra se résigner à ne pas pousser vers l’école par la contrainte la totalité des enfants : on se bornera à en attirer un certain nombre. Ce nombre sera d’autant plus élevé que les moyens employés auront été mieux choisis. Nous en proposons deux qui nous paraissent efficaces : 1° création dans toute école de village d’un emploi d’adjoint indigène ; 2° établissement de primes en argent ou en nature pour les meilleurs élèves indigènes. L’adjoint indigène serait placé sous la direction de l’instituteur ; point ne serait besoin d’un grand clerc : le moindre thaleb possédant d’une manière passable les éléments de sa langue suffirait. Sa tâche serait d’enseigner la lecture, l’écriture et les rudiments de la grammaire arabes à tous les élèves indigènes ou européens. De même, les maîtres français donneraient l’enseignement ordinaire à tous les enfants, sans distinction d’origine. On obtiendrait ainsi de très sérieux avantages : en même temps que les jeunes musulmans apprendraient le français, les jeunes Européens se familiariseraient avec une langue dont la connaissance doit leur être plus tard presque indispensable. On éviterait aussi de parquer les indigènes, on réunirait les enfants de toute race dans les mêmes études, ce qui est la meilleure façon de les rapprocher et de faire disparaître les préjugés et les haines. Enfin, il est certain que la présence du thaleb enseignant la langue du Coran désarmerait les défiances instinctives des chefs de famille ; cette concession anodine leur semblerait une garantie. Il serait bon de stimuler le zèle des nouveaux venus par quelques satisfactions matérielles ; de longues années se passeront peut-être avant que tous nos sujets musulmans en arrivent à apprécier comme il convient les avantages de l’instruction. Il faut voir les hommes tels qu’ils sont et les traiter en conséquence. Quelques distributions de vêtements ou de vivres faites à propos, des primes en argent aux élèves les plus méritants toucheraient les parents et même les enfants beaucoup plus que toutes les considérations d’ordre élevé qu’on perdrait sa peine à leur faire valoir. Tout cela d’ailleurs n’a rien de bien nouveau : n’a-t-on pas l’habitude dans nos grandes villes de distribuer des vêtements aux enfants pauvres des écoles et de décerner comme récompenses des livrets de caisse d’épargne ? Les indigènes sont en général d’assez pauvres hères, souvent ils se brouillent avec la loi pour bien peu de chose ; on les contenterait à bon marché.

II

C’est la très grande masse des indigènes qui vit en dehors des centres européens, soit dans les communes mixtes, soit dans les communes indigènes proprement dites. Il s’agit d’opérer non seulement sur des populations nombreuses, mais encore sur des territoires très vastes. Si l’on veut arriver à des résultats appréciables, il faut absolument qu’on sache au début se contenter d’une organisation très simple et très économique. Plus tard on complétera et on perfectionnera, pour le moment l’essentiel est de commencer. À vouloir faire trop bien dès l’abord on risque de ne rien faire du tout. L’exemple des écoles de Kabylie cité par M. Thomson est tout à fait concluant : on s’occupe de les créer depuis 1880, nous sommes à la fin de 1882 et elles n’existent pas encore ; on espère dans le courant de 1883 en ouvrir quatre qui auront coûté ensemble plus de 200,000 francs. Évidemment ce n’est pas ainsi qu’on doit procéder à l’avenir ; il est nécessaire d’aller plus vite et de se tirer d’affaire à meilleur compte.

Il existe en Algérie en territoire civil 77 communes mixtes, en territoire militaire 6 communes mixtes et 15 communes, indigènes, ce qui donne en tout 98 unités administratives. Il ne faut pas se tromper à ce nom de commune ; la commune mixte ou indigène est une circonscription territoriale fort étendue : quelques-unes ont une superficie supérieure à celle de certains départements de la France. Une école installée au chef-lieu serait à tous égards insuffisante. Nous proposons de créer dans chacune de ces communes une école primaire qui serait au chef-lieu, mais en même temps de disséminer sur des points déterminés avec soin une dizaine d’écoles moins importantes ; soit par commune une école primaire complète, de plein exercice, et environ dix petites écoles.

Les petites écoles devraient être établies de la manière la plus expéditive et la moins coûteuse. Les indigènes de l’intérieur ne sont pas accoutumés à une recherche et à un confort extrêmes dans les habitations ; des baraques en bois avec. un revêtement de maçonnerie, dans le genre de celles que j’ai vu construire au camp de Mécheria, suffiraient amplement. À l’abri du soleil et de la pluie, avec une distribution convenable d’air et de lumière, les enfants y seraient beaucoup mieux que dans les tentes et les gourbis paternels ; ni tables, ni bancs, ils s’accroupiraient à terre, liraient et écriraient sur les genoux, comme ils font chez eux ou dans les zaouïas. L’autorité civile ou militaire se procure la main-d’œuvre à bon marché ; les matériaux seuls. surtout dans les régions où le bois manque, nécessiteraient des dépenses réelles, mais en somme peu considérables. En confiant la besogne à l’administration locale, on peut être certain qu’elle serait vite faite et qu’elle ne coûterait pas cher. Le programme des études ne serait pas plus compliqué que l’installation matérielle. Les enfants apprendraient tout simplement à lire, à écrire et à compter en français. Pour appliquer un programme d’enseignement aussi élémentaire on n’aurait pas besoin d’instituteurs brevetés ; des moniteurs indigènes feraient l’affaire en se contentant d’une rétribution modique. Ici encore on pourrait employer avec succès le système des dons en nature et des petites récompenses en argent. On n’aurait point de peine à obtenir la fréquentation des écoles partout où la population est sédentaire. La difficulté serait plus grande avec les nomades. Mais les nomades ont leurs parcours bien définis ; ils ont dans le Tell leurs campements d’été toujours à peu près les mêmes. Leurs enfants viendraient à l’école pendant une saison seulement ; au besoin on pourrait avoir pour chaque groupe important une sorte de tente-école qui se déplacerait avec la tribu et la suivrait dans ses mouvements. Étant donnée la nature de l’enseignement, les élèves n’auraient pas besoin d’une grande assiduité pour en faire leur profit.

L’école de chef-lieu serait d’ordre plus relevé ; on l’installerait comme nos bonnes écoles de village, avec des classes distinctes et un matériel scolaire. Les matières seraient les mêmes que dans ces écoles ; ou y ajouterait un peu d’enseignement agricole ou industriel, approprié à chaque région. Le personnel se composerait de maîtres français ou indigènes présentant toutes les garanties ordinairement requises. La moitié au moins des élèves seraient choisis parmi les meilleurs des petites écoles ; ils suivraient les classes et seraient logés et nourris aux frais de l’État dans des familles désignées par l’administration. Ces boursiers de l’enseignement primaire, désignés par une première sélection, plus laborieux et plus intelligents que la moyenne des enfants indigènes, désireux de conserver Îles avantages qu’on leur aurait accordés, formeraient une élite qu’on entraînerait sans grande peine. Les meilleurs pourraient ensuite être envoyés dans les écoles d’agriculture ou d’arts et métiers ; d’autres deviendraient moniteurs dans les petites écoles ; quelques-uns, triés avec soin, seraient présentés au concours d’admission aux écoles normales primaires ; ceux qui révéleraient des facultés remarquables iraient remplacer dans les lycées les tristes élèves indigènes qu’on y enferme actuellement à leur grand ennui et sans profit pour personne.

Il serait indispensable de soumettre tout cet enseignement à une surveillance sérieuse, qui devrait s’exercer surtout sur les petites écoles. Ici encore le personnel de l’administration, civile ou militaire, serait d’un précieux secours ; l’administration académique accepterait volontiers qu’on lui prêtât la main, comme le font d’ailleurs ; pour l’enseignement secondaire, les conseils d’administration des lycées, et, pour l’enseignement primaire, les délégations cantonales. Cela n’empêcherait pas d’augmenter le nombre des inspecteurs primaires ; en France, avec des distances beaucoup moindres et une besogne plus facile, on compte un inspecteur primaire par arrondissement ; en Algérie le département le plus favorisé à cet égard, celui d’Alger, n’en a que trois. Si l’organisation nouvelle était adoptée, il deviendrait nécessaire de créer au moins trois emplois par département, dont les titulaires seraient spécialement chargés du service de l’enseignement indigène.

III

Il nous reste maintenant à considérer la question sous une autre face et à rechercher quelles sont les dépenses qu’entraînerait l’exécution de ce plan.

Nous distinguons les dépenses de premier établissement, telles que construction, agrandissement ou appropriation d’écoles, et les dépenses annuelles, comme la rétribution du personnel enseignant et des inspecteurs supplémentaires, les allocations ou récompenses et les frais de pension pour les élèves. Les menus frais, l’entretien des bâtiments et du matériel, les fournitures scolaires, seraient supportés par les communes. Tout le reste serait à la charge de l’État. Il est à peine besoin de faire observer que toutes les créations d’écoles ne se feraient pas en une seule année ; que, par conséquent, les dépenses de premier établissement se répartiraient sur plusieurs exercices. Le chiffre de dépenses annuelles prévu pour l’ensemble ne serait atteint que lorsque l’organisation serait devenue complète, au moment même où l’on n’aurait plus à se préoccuper des dépenses de premier établissement. Les charges assumées par l’État n’auraient d’ailleurs qu’un caractère transitoire ; on peut avoir foi, sans témérité, dans le développement économique et financier de l’Algérie ; les départements et les communes, le jour où leurs ressources seraient devenues suffisantes, prendraient à leur compte les frais de l’instruction des indigènes.

Dépenses de premier établissement.

1° Création ou agrandissement d’écoles dans 195 centres européens, dépense évaluée à 10,000 francs par commune.
Fr.
1.950.000

(Cette évaluation est évidemment faible pour les grandes villes, mais elle est au-dessus de la réalité pour la plupart des petites communes ; la moyenne est donc admissible.)
2° Création de petites écoles dans les communes mixtes ou indigènes, à raison de dix écoles par commune et de 5,000 francs par école, pour 98 communes.
Fr.
4.900.000
(Ce chiffre de 5,000 francs par école peut sembler surprenant, mais il s’agit d’installations d’une simplicité rudimentaire pour lesquelles il paraît suffisant.)
3° Création d’écoles primaires de chef-lieu dans 98 communes mixtes ou indigènes, à raison de 20,000 francs par école et par commune.
 
1.960.000
Total des frais de premier établissement.
Fr.
8.810.000

Dépenses annuelles.

1° Extension du personnel européen dans les communes de plein exercice, à raison de 2,000 francs par commune pour 195 communes.
Fr.
390.000
(Encore une dépense moyenne dont le chiffre serait dépassé dans les villes, mais ne serait pas atteint dans les villages.)
2° Traitement des adjoints indigènes dans les écoles de village, 160 adjoints à 600 francs l’un.
96.000
 (On compte en effet, parmi les communes de plein exercice, à peu près 160 communes rurales ; le traitement de 600 francs, qui serait dérisoire pour de véritables instituteurs, contenterait les talbas indigènes.)
 3° Gratifications ou secours en nature aux élèves indigènes dans les villages européens, 1,000 francs par village
160.600
 4° Traitement et frais de tournée pour 9 inspecteurs primaires, à 5,000 francs l’un. 45.000
 3° Traitement des moniteurs indigènes chargés

Report. . .. 611.000

des petites écoles, 2 moniteurs par école, soit pour 980 écoles 1,960 moniteurs à 600 francs l’un. . . 1.106.000

(Il est évident que ce personnel ne se trouverait pas immédiatement ; on se contenterait au début d’un moniteur par école, et on installerait les écoles à mesure que les moniteurs se présenteraient.)

6° Traitement des instituteurs dans les écoles indigènes de chef-lieu, à 6, 000 francs par école, pour 98 écoles 388.000

(Le personnel comprendrait dans chaque école un directeur et un ou deux adjoints. Pendant les premières années, tant que l’effectif des élèves ne serait pas au complet, on pourrait se contenter d’un maître par école ; la dépense serait donc moindre.)

7° Frais de pension des boursiers dans les écoles de chef-lieu, pour 50 élèves-boursiers par école et à 200 francs par élève. 980.000

(Pour qui connaît le genre de vie des indigènes, la pension d’un élève calculée à 200 francs est plus que suffisante.)

Total des dépenses annuelles Fr. 3.425.000

Voilà pour les sacrifices ; examinons quels résultats on pourrait en espérer.

Chacune des écoles établies en territoire indigène, aussi bien les petites écoles que les écoles de chef-lieu, pourrait recevoir une centaine d’élèves ; par l’emploi combiné des moyens que je propose et de ceux que la pratique indiquerait, l’effectif scolaire serait bientôt au complet. En 1879, les écoles publiques des villes et des villages étaient fréquentées par 28,000 garçons ; en évaluant à moitié de ce nombre le chiffre des élèves indigènes qu’on pourrait espérer d’y attirer, on ne se livre pas à des prévisions par trop optimistes. On aurait donc pour toute l’Algérie :

Élèves indigènes 14.000 dans les écoles publiques françaises.

Élèves indigènes 98.000 dans les petites écoles.

Élèves indigènes 09.800 dans les écoles de chef-lieu.

Total 121.800

En France, la population scolaire est d’environ 5 millions d’enfants, soit un peu plus d’un huitième de la population totale. En Algérie, le recensement de 1881 porte à 2,850,000 la population indigène musulmane. Le huitième de 2,850,000 est 356,250. Mais il ne faut pas oublier que le plan que nous présentons laisse en dehors les enfants du sexe féminin. Pour que l’instruction pour les garçons fût répandue parmi les indigènes de l’Algérie dans les mêmes proportions qu’en France, il faudrait qu’il y eût dans les écoles 200,000 garçons. À la vérité, nous n’atteignons pas ce chiffre, mais nous ne restons pas tellement au-dessous.

Ainsi, moyennant une dépense une fois faite de moins de 9 millions, moyennant une dépense annuelle inférieure à 8 millions et demi, on pourrait faire pénétrer l’usage de notre langue, les éléments de nos connaissances dans ces masses indigènes qui nous sont restées jusqu’à présent si profondément étrangères ; nous pourrions modeler à notre image les générations nouvelles, leur inculquer nos idées, les entraîner peu à peu dans le courant de notre civilisation. La pacification définitive de l’Algérie est à ce prix. Sans doute, il s’agit de grever le budget national de dépenses nouvelles ; mais de telles dépenses sont productives ; en tout cas elles sont de nature à en éviter beaucoup d’autres. Aujourd’hui la moindre insurrection nous coûte beaucoup plus cher.

Maurice Wahl,
Professeur au lycée d’Alger.