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POÈTES MODERNES
DE LA FRANCE








Il y a trois ans à peine[1], en jugeant avec sa précision accoutumée l’auteur de Marie et des Bretons, Gustave Planche commençait ainsi : « M. Brizeux est à coup sûr une des physionomies les plus intéressantes du temps où nous vivons. » Et il terminait par ces mots : « Sa renommée, si modeste en apparence, me paraît reposer sur de solides fondemens… Je ne loue pas seulement l’élévation, mais aussi la sobriété de ses travaux. Sa vie est bien remplie, puisqu’il n’a jamais parlé sans être écouté. Il n’a pas à redouter le reproche de stérilité, puisque toutes ses pensées, recueillies par des esprits attentifs, ont germé comme une semence déposée dans un sol généreux. » L’austère critique, en traçant ces paroles, faisait preuve d’une rare sagacité ; on dirait que cette page est écrite d’hier. Ces pensées recueillies par des esprits attentifs, et qui ont germé comme une semence dans un sol généreux, c’est bien ce que nous avons vu après la mort du noble poète. Brizeux n’a pas joui de toute sa renommée : discret, farouche, fuyant les routes tumultueuses, il aimait avec passion les secrets sentiers de la Muse, aussi soigneux d’éviter le bruit que d’autres sont ardens à le chercher. Avec cette pudeur de l’esprit, avec cette grâce fière et sauvage, on s’expose à l’oubli dans un temps comme le nôtre. Brizeux semblait un peu oublié, lorsque Gustave Planche lui promettait un succès durable. Ce fut la mort, hélas ! qui justifia la prédiction du critique. Le jour où

  1. Voyez la Revue du 15 février 1855.