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LIVRE SIXIÈME.

possède déjà le nombre qu’on cherche à l’appliquer à l’or, afin d’en déterminer la quantité. Si les êtres étaient antérieurs au Nombre, et que le Nombre fût contemplé en eux quand la puissance qui nombre parcourt les objets à nombrer, le Nombre des êtres, tel qu’il est, serait accidentel au lieu d’être déterminé par avance. S’il n’en est pas ainsi, c’est que le Nombre, précédant les êtres, détermine combien il en doit exister ; c’est-à-dire que, par cela seul que le Nombre existe primitivement, les êtres qui sont produits subissent la condition d’être tant, et chacun d’eux participe de l’Un pour être un. Or tout être vient de l’Être parce que l’Être est être par lui-même ; de même, l’Un est un par lui-même. Si chaque être est un, et que la multitude des êtres pris ensemble soit l’un qui se trouve en eux, ils sont un comme la triade est une, et tous les êtres sont ainsi un, non comme l’est la monade, mais comme l’est un mille ou tout autre nombre. Celui qui, en nombrant des choses produites, énonce qu’il y en a mille prétend ne faire qu’énoncer ce que lui disent les choses, comme s’il indiquait leurs couleurs, tandis qu’il ne fait réellement qu’exprimer une conception de sa raison ; sans elle, il ne saurait pas quelle multitude il y a. Pourquoi parle-t-il donc ainsi ? C’est qu’il sait nombrer ; or il le sait s’il connaît le nombre, et il ne connaît le nombre que si le nombre existe. Mais ignorer ce qu’est le nombre, du moins sous le rapport de la quantité, ce serait ridicule, impossible même.

Quand on parle de biens, ou l’on désigne les objets qui sont tels par eux-mêmes, ou l’on affirme que le bien est leur attribut. Si l’on désigne les biens du premier ordre[1], on parle de la première hypostase (ὑπόστασις ἡ πρώτη (hupostasis hê prôtê)) ; si l’on désigne les choses dont le bien est l’attribut, il faut qu’il existe une nature du bien qui leur soit attribuée, ou qui produise en elles ce caractère, ou qui soit le Bien même, ou

  1. Voy. Enn. I, liv. VIII, § 2 ; t. I, p. 119.