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TRAITÉ DE L’ÂME.


pensent que l’Intelligence entre dans le corps avec l’âme, que l’âme et son intelligence ne constituent pas deux essences différentes.

Des Opérations de l’âme.

VIII[1]. Qui ne sait qu’Aristote affirme tout à la fois que l’âme est immobile et qu’elle est la cause des mouvements[2] ? Si ce qui est immobile est également inactif, l’âme sera inactive comme elle est immobile, et [sans agir elle-même] elle sera la cause des actes comme elle est la cause des mouvements. Si, comme quelques-uns l’affirment, l’acte est la fin, la liaison, l’union et la cause stable des mouvements ; si de plus, comme l’avance Aristote, l’entéléchie immobile de l’âme contient l’acte en elle-même, ce sera l’acte le plus parfait qui produira les diverses opérations propres à l’animal[3].

Selon Platon, au contraire, la production des opérations propres à l’animal est loin d’être inhérente à l’essence et à la vie de l’âme. Il est évident, sans doute, que l’âme fait partie du composé ; mais, comme il y a dans l’animal changement, division, extension par rapport au corps, intervalle par rapport au temps et au lieu, toutes choses qui sont étrangères à la vie incorporelle en soi, il est clair aussi que, selon Platon, aucun des mouvements du composé n’est

  1. Stobée, Eclogœ physicœ, LII, § 32, p. 882.
  2. « Ce n’est pas du tout ainsi [en se mouvant elle-même] que l’âme paraît mouvoir l’animal ; c’est par une sorte de volonté et de pensée… Sans être mû lui-même, le premier moteur meut parce qu’il est conçu par l’intelligence ou qu’il est imaginé. » (Aristote, De l’Âme, I, 3, et II, 10 ; p. 121 et 335 de la trad. fr.) Aristote donne ici au mot : ϰίνησις (kinêsis) le sens de mouvement corporel : c’est ce qui explique les critiques qu’il adresse à Platon (Simplicius, Comm. sur le Traité de l’Âme, f. 6). Voilà ce qui fait dire à Plotin : « Pour se considérer elle-même, l’âme n’aura nullement à se mouvoir ; ou bien, si on lui attribue le mouvement, il faut que ce soit un mouvement qui diffère tout à fait de celui des corps, et qui soit sa vie propre. » (Enn. I, liv. I, § 13.) Voy. encore Enn. III, liv. I, § 3.
  3. On voit que le mot ἐνέργεια (energeia) a ici le double sens de puissance active et de fonction ou opération.