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TRAITÉ DE L’ÂME.


d’un végétal engendré par une raison séminale finit quand la raison séminale se retire de lui pour rentrer en elle-même [en remontant à l’Âme qui l’a produite[1]]. Mais on pourrait admettre avec raison, ce semble, que ces facultés existent toujours dans l’univers et ne périssent pas[2].

VI[3]. [Facultés irrationnelles : Appétit, Sensation, Opinion, Imagination, Mémoire[4].] Outre ces facultés [l’Appétit et la Sensation] qui sont tout à fait communes à l’âme et au corps [parce que, supposant l’exercice des organes, elles s’attachent au corps qui leur

  1. « Quand on coupe les rejetons ou les rameaux d’un arbre, où va l’âme végétative qui s’y trouvait ? Elle retourne à son principe… Si l’on coupe ou si l’on brûle la racine, où va la puissance végétative qui y était présente ? Elle retourne, sans changer de lieu, à la Puissance naturelle de l’Âme universelle. » (Plotin, Enn. V, liv. II, § 2.)
  2. Voy. ci-après, § XV, p. 656. Ce passage obscur est éclairci par un fragment de Jamblique sur la catégorie avoir (Comm. sur les Catégories ; dans Simplicius, Comm. sur les Catégories, fol. 95). « L’Âme, en descendant dans le corps, produit certaines facultés qui s’ajoutent à son essence comme acquises ; elle reçoit du corps d’autres facultés, qu’elle développe par son inclination et sa procession : comment donc pourrait-on dire qu’elle les a [par elle-même] ? D’ailleurs, elle reçoit certaines facultés dans chaque partie du monde où elle vient demeurer ; elle produit les unes elle-même, elle tient les autres du monde. Elle prend aussi dans chaque partie du monde un corps qui est en rapport avec cette partie [Voy. ci-après, p. 656, note 3] ; elle reçoit ce corps de l’univers, ou bien elle le produit elle-même par ses propres raisons (λόγοι (logoi)), si c’est un corps organisé. Elle se dépouille de ces facultés et de ces corps, quand elle passe dans une autre région. Il résulte évidemment de là que toutes ces choses n’étaient pour elle qu’acquises, qu’elle les avait comme des choses étrangères, parce qu’elles étaient d’une autre nature. Cette théorie de Jamblique est empruntée à Plotin : « La génération ajoute quelque chose à l’âme, etc. » (Enn. I, liv. I, § 12.) Voy. encore le passage de Simplicius cité ci-dessous.
  3. Stobée, Florilegium, tit. XXV, § 6, p. 378, éd. Gaisford.
  4. Simplicius, qui suit en Psychologie la doctrine de Jamblique (Voy. ci-dessus, p. 631, note 6), expose en ces termes la génération et le rôle des facultés irrationnelles : « Descendant, par suite de son inclination, dans ce lieu mortel, et devant y être unie à un corps mortel pour composer avec lui un animal mortel (ζῶον ἕν θνητόν (zôon hen thnêton)), l’âme a produit les facultés irrationnelles (ἀλόγους προύϐαλετο ζωάς (alogous proubaleto zôas)) : les unes cognitives, savoir, la Sensation et l’Imagination, les autres appétitives, savoir, la Colère et la Concupiscence ; afin que l’animal mortel pût à l’aide de ces facultés acquérir les connaissances conformes à sa nature, réparer par la nourriture les pertes qu’il fait sans cesse, perpétuer sa race par la génération de son semblable, et repousser ce qui viendrait à lui nuire ; toutes choses que l’animal mortel n’aurait pas été capable de faire, s’il n’eut été pourvu de ces facultés irrationnelles. » (Comm. sur le Manuel d’Épictète,