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LIVRE QUATRIÈME.


rapportent les souffrances et les plaisirs ; mais c’est à nous qu’il appartient de connaître sans pâtir ces souffrances et ces plaisirs[1] ; à nous, c’est-à-dire à l’âme raisonnable[2], dont notre corps est distinct sans lui être cependant étranger puisqu’il est nôtre. C’est parce qu’il est nôtre que nous en prenons soin. Nous ne sommes pas le corps ; nous n’en sommes pourtant pas complètement séparés ; il nous est associé, il dépend de nous. Quand nous disons nous, nous désignons par ce mot ce qui constitue la partie principale de notre être ; le corps est nôtre également, mais c’est à un autre point de vue. Aussi ses souffrances, ses plaisirs ne nous sont-ils pas indifférents : plus nous sommes faibles, plus nous nous en occupons. Quant à la partie la plus précieuse de nous-mêmes, qui constitue essentiellement la personne, l’homme, elle est en quelque sorte plongée en lui.

Les passions n’appartiennent pas réellement à l’âme, mais au corps vivant, à la partie commune, au composé[3]. Le corps et l’âme, pris chacun séparément, se suffisent à eux-mêmes. Isolé et inanimé, le corps ne pâtit pas[4]. Ce n’est

    colligit in unum atque in uno tenet, diffluere atque contabescere non sinit ; alimenta per membra æqualiter suis cuique redditis distribui facit ; congruentiam ejus modumque conservat, non tantum in pulchritudine, sed etiam in crescendo atque gignendo. Sed hæc etiam homini cum arbustis communia videri queunt : hæc etiam dicimus vivere, in suo vero quidque illorum genere custodiri, ali, crescere, gignere videmus atque fatemur. » (De Quantitate animœ, 23.) Voy. aussi p. 360, note 1.

  1. Voy. Enn. I, liv. I, § 9 ; t. I, p. 45-46.
  2. Ibid., § 7, 10, p. 43, 47.
  3. Ibid., § 7, p. 13.
  4. Plotin fait ici allusion à un passage du Philèbe (t. II, p. 365 de la trad. de M. Cousin) : « Ce discours nous apprend que toute espèce d’appétit, tout désir, à son principe dans l’âme, et que c’est elle qui commande dans tout être animé. La raison ne souffre donc en aucune manière qu’on dise que notre corps a soif, qu’il a faim, ni qu’il éprouve rien de semblable. »