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LIVRE SIXIÈME.


Ainsi, purifier l’âme consiste à l’élever des choses d’ici-bas aux choses intelligibles ; c’est aussi la séparer du corps[1] : car alors elle n’est plus assez attachée au corps pour lui être asservie, mais elle ressemble à une lumière qui n’est pas plongée dans le tourbillon [de la matière][2], quoique la partie de l’âme qui s’y trouve plongée ne cesse pas pour cela d’être impassible. Quant à la partie passive de l’âme, la purifier, c’est la détourner de l’intuition des images trompeuses ; la séparer du corps, c’est l’empêcher d’incliner vers les choses inférieures et de s’en représenter les images ;

  1. Voy. Porphyre, Principes de la théorie des intelligibles, § IX, t. I, p. LX. Saint Augustin développe aussi, mais sous des formes très-variées, l’idée platonicienne de la purification de l’âme. Ainsi, on lit au début du traité De la vraie Religion (3) : « Sanandum esse animum ad intuendam incommutabilem rerum formam, et eodem modo semper se habentem atque undique sui similem pulchritudinem, etc. » Le même auteur dit ailleurs, à la fin de son traité De la Quantité de l’âme : « Ascendentibus sursum versus, primus actus docendi causa dicitur animatio ; secundus, sensus ; tertius, ars ; quartus, virtus ; quintus, tranquillitas ; sextus, ingressio ; septimus, contemplatio. Possunt et hoc modo appellari : de corpore, per corpus, circa corpus ; ad seipsam, in seipsa ; ad Deum, apud Deum. Possunt et sic : pulchre de alio, pulchre peraliud, pulchre circa aliud ; pulchre ad pulchrum, pulchre in pulchro ; pulchre ad Pulchritudinem, pulchre apud Pulchritudinem. » Les divers degrés que S. Augustin distingue ici dans le beau sont les mêmes que Plotin décrit dans le livre VI de l’Ennéade I.
  2. Voy. la même image dans l’Enn. I, liv. IV, § 8 ; t. I, p. 82. Ibn-Gebirol (Avicebron), que nous avons mentionné déjà dans le t. I (p. CXXVII, note 2), dit à ce sujet : « Comme l’âme tient le milieu entre la substance de l’intellect et le sens, il en résulte que, lorsqu’elle penche vers le sens, elle est incapable de percevoir ce qui est dans l’intellect ; et de même, lorsqu’elle penche vers l’intellect, elle est incapable de percevoir ce qui est dans le sens : car chacun de ces deux extrêmes est séparé de l’autre, et lorsqu’elle se tourne vers l’un, elle se détourne de l’autre. » (La Source de la Vie, liv. III ; traduction de M. S. Munk, dans ses Mélanges de philosophie juive et arabe, p. 51.)