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LIVRE CINQUIÈME.


les poussait, de savoir à quoi aspire le désir de la génération et quel usage il faut faire de l’image de la beauté[1] : c’est qu’ils ignorent ce qu’est la Beauté même. Ceux qui aiment les beaux corps sans désirer s’y unir[2] les aiment seulement pour leur beauté. Ceux qui aiment la beauté des femmes et désirent s’y unir aiment tout à la fois la beauté et la perpétuité, pourvu qu’ils ne s’écartent jamais de ce but. Les uns et les autres sont tempérants, mais ceux qui n’aiment les corps que pour leur beauté sont plus vertueux. Les uns admirent la beauté sensible et s’en contentent ; les autres se rappellent la beauté intelligible, sans mépriser toutefois la beauté visible, parce qu’ils la regardent comme un effet et une image de la première[3]. Les uns et les autres aiment donc le beau sans avoir jamais à rougir. Quant à ceux dont nous avons parlé en dernier lieu [qui violent la loi de la nature], l’amour de la beauté les égare en les faisant tomber dans le laid. Souvent en effet le désir du bien conduit à tomber dans le mal. Tel est l’amour considéré comme passion de l’âme.

II. Parlons maintenant de l’Amour qui est appelé un dieu, non-seulement par les hommes en général, mais encore par les théologiens[4] et par Platon. Ce philosophe parle souvent de l’Amour, fils de Vénus, et il lui attribue pour mission d’être le chef des beaux enfants et d’élever les âmes à la contemplation de la beauté intelligible, ou du moins de fortifier l’instinct qui les y porte déjà. Examinons les idées que Platon a développées dans le Banquet, où il dit que l’Amour est né, non de Vénus, mais de Poros (l’Abondance) et de Penia (la Pauvreté)[5], à la naissance de Vénus[6].

  1. Voy. Vie de Plotin, t. I, p. 16.
  2. Il faut lire [οὐ] διὰ μῖξιν, comme le fait M. Kirchhoff d’après Ficin qui traduit : non commixtionis gratia.
  3. Voy. t. I, p. 65.
  4. Ce sont les Orphiques.
  5. Pour Poros et Penia, Voy. ci-après, § 6, 7.
  6. Il y a une lacune dans le texte, qui porte : ἐν οἶς οὐϰ…. Ἀφροδίτης γενεθλέοις ἐϰ τῆς Πενίας ϰαὶ τοῦ Πόρου. Creuzer propose de lire : ἐν οἶς οὐϰ [οἶδ’]