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TROISIÈME ENNÉADE.


son démon d’ailleurs est Dieu[1]. Ce démon est-il au-dessus de l’Intelligence ? Oui, si l’âme a pour démon le principe supérieur à l’Intelligence [le Bien]. Mais pourquoi l’homme vertueux ne jouit-il pas de ce privilége dès le principe ? À cause du trouble qu’il a éprouvé en tombant dans la génération. Il a cependant en lui, même avant l’exercice de la raison, un désir qui le porte aux choses qui lui sont propres[2]. Mais ce désir dirige-t-il souverainement ? Non, pas souverainement : car l’âme est disposée de telle sorte que, devenant telle dans telles circonstances, elle adopte telle vie et suit telle inclination.

Platon dit que le démon conduit l’âme aux enfers, et qu’il ne reste pas attaché à la même âme, à moins que celle-ci ne choisisse encore la même condition[3]. Que fait-il

  1. « Les âmes parfaites, qui vivent dans la génération sans s’y mêler, ayant choisi une vie conforme à leur dieu, vivent selon un démon qui est Dieu et qui les avait unies à leur dieu propre quand elles demeuraient là-haut. C’est pourquoi l’Égyptien admira Plotin parce qu’il avait pour démon un dieu. » (Proclus, Comm. sur l’Alcibiade, t. II, p. 198.) L’Égyptien dont parle ici Proclus n’est pas Jamblique, comme le dit M. Cousin dans sa note sur ce passage (p. 1340), mais le prêtre dont il est question dans la Vie de Plotin, § 10, t. I, p. 12. Au reste, tout ce § 10, dans lequel Porphyre attribue à Plotin un démon d’une nature divine, est le meilleur commentaire de ce passage.
  2. Ficin commente ainsi ce passage : « Tum vero ait Plotinus animam noslram non formari semper intelligentsia : quoniam statim ab initio, ob operosam generationis fabricam, actus potentiæ vegetalis supra modum intenditur, ad quem et similia præcipitatur imaginatio, circa quam et similia negotiatur et ratio ; hæc vero intelligentiæ sunt opposita. Verumtamen antequam discursionibus rationis utamur, appetimus ipsum verum naturaliter atque bonum, per ipsam scilicet cognoscendi potentiam. Quum vero hæc non appetat aliquid prorsus incognitum, inest saltem menti veri bonique forma naturaliter insita. »
  3. Lorsque quelqu’un est mort, le même génie qui a été chargé de lui pendant sa vie le conduit dans un lieu où les morts se rassemblent pour être jugés avant d’aller dans l’autre monde, avec le même conducteur auquel il a été ordonné de les con-