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DEUXIÈME ENNÉADE, LIVRE IX.

et la limite à laquelle s’arrête la puissance divine[1], ni même la théorie des idées telle que la professe Plotin[2] : or ce sont là précisément les fondements de la doctrine enseignée dans les Ennéades. Cette doctrine a donc été puisée à d’autres sources.

Le témoignage de Porphyre est ici parfaitement d’accord avec les résultats auxquels conduit l’étude et la comparaison des deux systèmes. Dans la Vie de Plotin (§ 14, p. 15), il dit : « Les doctrines des Stoïciens et des Péripatéticiens sont secrètement mélangées dans les écrits de Plotin ; la Métaphysique d’Aristote y est condensée tout entière[3]. On lisait dans ses conférences les commentaires des Péripatéticiens et des Platoniciens. Cependant aucun d’eux ne fixait exclusivement le choix de Plotin. Il montrait dans la spéculation un génie original et indépendant. Il portait dans ses recherches l’esprit d’Ammonius. » Ailleurs Porphyre dit encore (§ 17, p. 17) : « Les Grecs prétendaient que Plotin s’était approprié les dogmes de Numénius. » Quels étaient donc ces principes que Plotin devait à l’enseignement d’Ammonius et qui établissaient quelque ressemblance entre sa doctrine et celle de Numénius ? C’étaient évidemment ceux qui n’étaient pas dans Platon, comme nous l’avons dit plus haut ; c’étaient des principes qui avaient été empruntés à la théologie philosophique des Juifs grecs d’Alexandrie, particulièrement de Philon. Ce fut le développement de ces principes qui constitua un nouveau système, où les principales doctrines des écoles grecques, unies entre elles et subordonnées à celle de Platon, formèrent avec elle une seule et même philosophie[4].

  1. Voy. plus haut la Note sur le livre viii de l’Ennéade I, p. 429-430.
  2. Voy. plus haut, p. 321, note 2.
  3. La vérité de cette assertion est suffisamment démontrée par les rapprochements que nous avons indiqués dans les notes de ce volume.
  4. Voy. M. Ravaisson, Essai sur la Métaphysique d’Aristote, t. II, p, 349-373. Voy. aussi M. Franck, qui s’exprime en ces termes dans son ouvrage de La Kabbale (p. 387) : « Dans la capitale des Ptolémées, les traditions hébraïques franchirent pour la première fois le seuil du sanctuaire et se répandirent dans le monde, mêlées à beaucoup d’idées nouvelles, mais sans rien perdre de leur propre substance. Les dépositaires de ces vieilles traditions, en voulant reprendre un bien qu’ils supposaient leur appartenir, accueillirent avec ardeur les plus nobles résultats de la philosophie grecque les confondant de plus en plus avec leurs propres croyances. D’un autre côté, les prétendus héritiers de la civilisation grecque, s’accoutumant peu à peu à ce mélange, ne songèrent plus qu’à lui donner l’organisation d’un système où le raisonnement et l’intuition, la philosophie et la théologie devaient être également représentés. C’est ainsi que se forma l’école d’Alexandrie, ce résumé brillant et profond de toutes les idées philosophiques et religieuses de l’antiquité. Ainsi s’explique la res-