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NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS.

Quoique Plotin s’applique ici à justifier Platon et à présenter sa doctrine sous le jour le plus favorable, il a cependant emprunté aussi beaucoup à Aristote. Dans le § 2, p. 162-163, il dit :

« L’Âme se meut autour de Dieu, l’embrasse (ἀμφαγαπάζεται) et s’y attache de toutes ses forces : car toutes choses dépendent de ce principe[1] (ἐξήρτηται αὐτοῦ πάντα)... Tout astre, en quelque endroit qu’il se trouve, est transporté de joie (ἀγάλλεται) en embrassant Dieu ; ce n’est point par raison, mais par une nécessité naturelle[2]. »

Plotin dit encore dans le § 3, p. 164 :

« Là-haut, l’Âme universelle, en s’approchant du Bien et en devenant plus sensible à son approche, se meut vers le Bien et imprime au corps le mouvement qui lui est naturel, le mouvement local. »

Ces idées sont conformes à la théorie d’Aristote qui s’exprime ainsi à ce sujet :

« Il y a quelque chose qui se meut d’un mouvement continu, lequel mouvement est le mouvement circulaire. Il s’ensuit que le premier ciel doit être éternel. Il y a donc aussi quelque chose qui meut éternellement ; et comme il n’y a que trois sortes d’êtres, ce qui est mu, ce qui meut, et le moyen terme entre ce qui est mu et ce qui meut, c’est un être qui meut sans être mu, être éternel, essence pure et actualité pure[3]. Or voici comment il meut. Le désirable et l’intelligible (τὸ ὀρεϰτὸν ϰαὶ τὸ νοητὸν) meuvent sans être mus, et le premier désirable est identique au premier intelligible. Car l’objet du désir, c’est ce qui paraît beau, et l’objet premier de

  1. Voy. Enn. I, liv. vii, § I, p. 114-115. Une pensée analogue est développée par Dante, dans la Divine Comédie : « Quand ma vue fut frappée de ce qu’on aperçoit dans ce ciel lorsqu’on en embrasse l’étendue, je vis un point qui rayonnait d’une lumière si poignante, que le regard qu’elle blesse doit se baisser pour en éviter l’éclat... Béatrix, qui me voyait soucieux et pensif, me dit : De ce point dépendent le ciel et toute la nature. Regarde ce ciel qui en est le plus rapproché, et sache que son mouvement est si rapide, parce qu’il est hâté par l’amour qui l’enflamme. » (Paradis, XXVIII.)
  2. Voy. le § 16 du livre IV de l’Ennéade IV que nous citons en note, p. 162 : « On peut se représenter le Bien comme un centre, l’intelligence comme un cercle immobile, l’Âme comme un cercle mobile, mû par le désir, etc. » Dante représente la Trinité par une image analogue dans le Paradis, chant XXXII. Voy. à ce sujet, M. Ozanam, Dante et la Philosophie catholique au treizième siècle, 2e partie, chap. iv, 4.
  3. M. Ravaisson, dans son Essai sur la Métaphysique d’Aristote, a résumé (t. I, p. 547-571) la démonstration qu’Aristote donne de cette théorie dans la Métaphysique, dans le traité Du Ciel et dans celui Des Météores.