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NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS.

le néant absolu ? Qui peut en parler ? Quand donc nous supposons que telle chose n’est pas, nous supposons qu’elle est sous quelque rapport, mais non sous celui qui fait qu’elle est telle ; nous pouvons alors chercher ce qui en résulte.

Nous donnerons un exemple de cette importante et féconde méthode ; et nous traiterons sous cette forme la question de la nature de l’Âme :

Si l’Âme existe : 1° Que s’ensuit-il pour elle ? — Elle est cause de ses propres actions, principe de sa propre vie ; elle est un être véritable et en soi[1].

Que n’en résulte-t-il pas ? — Il n’en résulte pas qu’elle soit mortelle, incapable de connaissance[2].

Qu’est-ce qui tout ensemble en résulte et n’en résulte pas ? — Il s’ensuit et ne s’ensuit pas qu’elle est divisible, qu’elle est éternelle. (En effet, elle est indivisible sous un rapport, divisible sous un autre, étant intermédiaire entre l’ordre intelligible et l’ordre sensible[3].)

Si l’Âme existe : 1° Que s’ensuit-il pour les corps ? — Ils deviennent, par la présence de l’Âme, des animaux, reçoivent l’organisation et le mouvement, sont gouvernés par l’Âme[4].

Que n’en résulte-t-il pas ? — Il n’en résulte pas que le mouvement vienne au corps de l’extérieur.

Qu’est-ce qui tout ensemble, etc. ? — Il s’ensuit et ne s’ensuit pas que le corps jouit de la présence de l’Âme. (Elle est présente au corps par sa Providence, et non par son essence[5].)

Si l’Âme existe : 1° Que s’ensuit-il pour les corps relativement à eux-mêmes ? Ils éprouvent une sympathie réciproque.

Que n’en résulte-t-il pas ? — Il n’en résulte pas qu’ils soient insensibles (car un corps habité par une âme a de la sensibilité[6]).

Qu’est-ce qui tout ensemble, etc. ? — Il s’ensuit et ne s’ensuit pas que les corps habités par une âme se meuvent eux-mêmes.

Si l’Âme existe : 1° Que s’ensuit-il pour les corps relativement à l’Âme ? — Que les corps sont, de leur intérieur, mus par l’âme, organisés et conservés[7].

Que n’en résulte-t-il pas ? — Il n’en résulte pas que les corps soient détruits, désorganisés par l’Âme, et privés de la vie.

Qu’est-ce qui tout ensemble, etc. ? — Qu’ils participent à l’Âme et n’en participent pas. (Tantôt, en effet, cette participation a lieu et tantôt non[8].) »

  1. Voy. Enn. I, liv. i, § 2, p. 37.
  2. Ibidem.
  3. Ibid., § 8, p. 44-45.
  4. Ibid., § 7, p. 43.
  5. Ibid., § 8, p. 45 ; § 11, p. 48.
  6. Ibid., § 7, p. 43.
  7. Ibid., § 8, p. 45.
  8. Ibid., § 12, p. 49.