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NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS.

parable que par une abstraction de notre entendement. D’où il suit qu’elle commence et finit d’exister avec le corps... Cette théorie générale de l’âme et de son rapport avec le corps est-elle bien, comme Alexandre le prétend, la pure doctrine d’Aristote ? En définissant l’âme la forme du corps organisé, Aristote en faisait la cause qui détermine l’organisation, cause finale il est vrai, mais par cela seul efficiente aussi. Alexandre, au lieu de nommer l’âme la fin du corps, l’en nomme de préférence la perfection ou l’accomplissement (τελειότης). D’un mot entièrement étranger au langage et contraire à la philosophie d’Aristote, il l’appelle fréquemment une puissance du corps (δυνάμις τοῦ σώματος). Enfin, au lieu de voir dans l’âme la cause de l’organisme, il l’en considère plutôt comme l’effet [il dit que le corps et sa mixtion sont la cause première de la naissance de l’âme : ἔστι τὸ σώμα ϰαὶ ἡ τούτου ϰράσις αἰτία τῂ ψυχῇ τῆς ἐξ ἀρχῆς γενέσεως]. Tandis que, suivant Aristote, l’essence, l’être proprement dit, est la forme, de laquelle le sujet où elle réside tient tout ce qu’il a d’être, aux yeux d’Alexandre, c’est le sujet qui est l’être proprement dit ; c’est l’homme, par exemple, et non l’âme ; et c’est par rapport au sujet concret et composé, c’est à cause de lui, que nous étendons aussi le nom d’être à la matière et à la forme. »

De ces deux passages, que nous empruntons à l’excellent ouvrage de M. Ravaisson, il résulte clairement que Plotin écarte la doctrine des Péripatéticiens quand il dit que l’âme n’est pas dans le corps comme dans un sujet, ni comme une partie dans un tout, ni comme une forme dans la matière.

Voici maintenant la doctrine propre de Plotin sur les rapports de l’âme avec le corps :

« L’âme n’est en aucune façon dans le corps (οὐϰ ἄν ἔφαμεν τὴν ψυχὴν ἐν τῷ σῶματι εἶναι) ; c’est au contraire l’accessoire qui est dans le principal, le contenu dans le contenant[1], ce qui s’écoule dans ce qui ne s’écoule pas. » (Enn. IV, liv. iii, § 20.)

« L’âme est présente au corps (ψυχὴ σῶματι πάρεστι)... Est-ce comme le pilote est dans le navire (ὡς ὁ ϰυϐερνήτης ἐν τῇ νηί)[2] ? Cette

  1. « Les Épicuriens ignorent, disait Posidonius, que ce ne sont pas les corps qui contiennent les âmes, mais les âmes qui contiennent les corps. » (Achilles Tatius, Isagoge in Arati Phœnomena, 13.) Voy. M. Ravaisson, t. II, p. 152.
  2. Voy. Enn. I, liv. i, § 3, p. 39. Cette idée est tirée du traité De l’âme (II, 1, p. 169 de la trad.), où elle est présentée sous une forme dubitative : « Ce qui reste obscur encore, c’est de savoir si l’âme est la réalité parfaite, l’entéléchie du corps, comme le passager est l’âme du vaisseau. » De cette phrase, certains com-