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DEUXIÈME ENNÉADE.

σϰότῳ. De cette illumination est née dans la matière une image [la Sagesse, image de l’Âme]. Ensuite une image de l’image [le Démiurge] a été formée par le moyen de la matière ou de la matérialité (δι’ ὕλης ἤ ὑλότητος) ou d’un principe que les Gnostiques qualifient d’un autre nom[1] (car ils emploient beaucoup d’autres noms qu’ils inventent pour être obscurs) ; c’est ainsi qu’ils engendrent leur Démiurge. Ils supposent aussi que ce Démiurge s’est séparé de sa mère [la Sagesse], et ils font provenir de lui le monde jusqu’aux dernières images (ἐπ’ ἔσχατα τῶν εἰδώλων) . »

Écrire de pareilles choses, n’est-ce pas faire une satire amère de la puissance qui a créé le monde[2] ?

XI. D’abord, si l’Âme n’est pas descendue, si elle s’est bornée à illuminer les ténèbres[3], comment aurait-on le droit de dire qu’elle a incliné ? En effet, si une espèce de lumière s’est écoulée de l’Âme[4], ce n’est pas une raison de dire que l’Âme a incliné, à moins d’admettre qu’il y avait une chose au-dessous d’elle [les ténèbres], qu’elle s’en est approchée par un mouvement local, et qu’arrivée près de cette chose, elle l’a illuminée. Au contraire, si elle l’a illuminée tout en restant en elle-même (ἐφ’ ἑαυτῆς μένουσα ἐνέλαμψε), sans rien faire pour cela[5], pourquoi a-t-elle seule illuminé cette chose [les ténèbres] ? Pourquoi les êtres plus puissants que l’Âme [les Éons supérieurs à l’Âme] n’ont-ils pas aussi illuminé les ténèbres ? Ce n’est [disent les Gnostiques] qu’après avoir conçu la Raison du monde (τῷ λογισμὸν λαϐεῖν ϰόσμου) que l’Âme a pu illu-

  1. Les Gnostiques appelaient encore le Démiurge le fruit de la chute, etc. Voy. la Note, p. 535.
  2. Nous lisons avec Creuzer ὁ τοῦτο πράξας au lieu de ὁ τοῦτο πράψας.
  3. Illuminer les ténèbres signifie la même chose qu’illuminer la matière, § 10.
  4. Εἴ ἔῤῥευσεν οἶον φῶς. Plotin représente généralement l’émanation comme un écoulement de lumière ou de chaleur comme nous l’avons déjà dit, p. 193, note 4. Le caractère oriental de cette conception explique comment elle lui est commune avec les Gnostiques.
  5. Voy. Enn. I, liv. i, § 12.