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DEUXIÈME ENNÉADE.

ne t’imagine pas que tu en es seul capable[1] : car alors tu ne serais plus bon. Il y a aussi d’autres hommes [que toi] qui sont bons ; il y a des démons qui sont excellents ; bien plus, il y a des dieux qui, tout en habitant cet univers, contemplent le monde intelligible[2], et sont encore meilleurs que les démons. Enfin, il y a au-dessus de tout l’Âme bienheureuse qui gouverne l’univers. Honore donc les dieux intelligibles, et par-dessus tout le grand roi du monde intelligible[3], dont nous voyons la grandeur se manifester surtout dans la multitude des dieux.

Ce n’est pas en ramenant toutes choses à l’unité, c’est en expliquant la grandeur développée par Dieu lui-même, qu’on montre la connaissance que l’on a de la puissance divine : car [Dieu manifeste sa puissance] quand, tout en restant ce qu’il est, il produit beaucoup de dieux qui dépendent de lui, qui sont de lui et par lui ; par là, ce monde tient de lui l’existence, et le contemple avec tous les dieux qui annoncent aux hommes les décrets divins et leur révèlent ce qui leur plaît[4]. Si ces dieux ne sont pas ce qu’est Dieu, c’est là une chose conforme à la nature.

Si tu prétends mépriser ces dieux et t’estimer toi-même, dans l’idée que tu ne leur es pas inférieur, apprends d’abord que l’homme le meilleur est toujours celui qui se montre le plus modeste dans ses rapports avec tous les dieux et avec les hommes, ensuite qu’on doit ne songer à sa dignité qu’avec mesure, sans insolence, ne prétendre s’élever qu’au rang que la nature humaine peut atteindre, ne pas croire qu’il n’y a pas de place auprès de la divinité pour tous les autres hommes, ne pas rêver follement qu’on peut seul y aspirer[5],

  1. Voy. plus loin, p. 285, note 2.
  2. Ces dieux sont les astres. Voy. p. 180.
  3. C’est l’intelligence. Voy. Enn. I, liv. viii, § 2, p. 118, note 3.
  4. Les astres annoncent les événements. Voy. plus haut, p. 178-181.
  5. Les Gnostiques s’appelaient élus, parfaits, et se croyaient prédestinés à entrer dans le Plérôme, en leur qualité de pneumatiques et d’initiés à la Gnose. Voy. la Note, p. 518.