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DEUXIÈME ENNÉADE.

Dans l’Âme universelle, la Nature qui est liée au corps [du monde] lie ensemble tout ce qu’elle embrasse, mais l’Âme universelle elle-même n’est pas liée par les choses qu’elle lie. Comme elle les domine, elle est impassible à leur égard, tandis que nous-mêmes nous ne dominons pas les objets extérieurs. En outre, la partie de l’Âme universelle qui s’élève vers le monde intelligible reste pure et indépendante ; celle même qui communique la vie au corps [du monde] n’en reçoit rien[1]. En général, ce qui est dans un autre être participe nécessairement à l’état de cet être ; mais un principe qui a sa vie propre ne saurait rien recevoir d’autrui[2]. C’est ainsi que, lorsqu’une chose est placée dans une autre, elle ressent ce que celle-ci éprouve, mais elle n’en conserve pas moins sa vie propre si la chose dans laquelle elle est vient à périr. Par exemple, si le feu qui se trouve en toi s’éteint, le feu universel ne s’éteint pas ; si celui-ci même s’éteignait, l’Âme universelle n’en ressentirait rien, et la constitution du corps [du monde] en serait seule affectée. S’il était possible qu’il existât un monde composé seulement des trois autres éléments, cela n’importerait en rien à l’Âme universelle, parce que le monde n’a pas une constitution semblable à celle de chacun des animaux qu’il contient[3]. Là-haut, l’Âme universelle plane sur le monde en lui imposant la permanence ; ici-bas, les parties, qui s’écoulent en quelque sorte, sont maintenues à leur place par un second lien[4]. Comme les choses célestes n’ont pas de lieu où elles puissent s’écouler [hors du monde][5], il n’est pas besoin de les contenir intérieurement ni de les comprimer extérieurement pour les ramener au dedans : elles subsistent dans le lieu où l’Âme universelle les a placées dès l’origine.

  1. Sur la distinction des deux parties de l’Âme universelle, Voy. p. 150, 173, 193.
  2. Voy. Enn. I, liv. i, § 2, p. 37.
  3. Voy. plus haut, p. 147-150.
  4. Le premier lien est la partie de l’Âme universelle qui est appelée la Nature ; le second, l’âme individuelle. Voy. la Note, p. 475-477.
  5. Voy. Enn. II, liv. i, § 3, p. 147.