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DEUXIÈME ENNÉADE.

Le réceptacle de la détermination n’est pas la détermination ni le déterminé, mais l’infini, en tant qu’il est infini. Comment la détermination peut-elle, s’unir à l’infini sans en détruire la nature, puisque cet infini n’est pas tel par accident ? Elle détruirait cet infini s’il était infini en quantité ; mais cela n’a pas lieu. Elle lui conserve au contraire son essence, elle réalise et complète sa nature ; comme la terre qui ne contenait pas de semences [conserve sa nature] quand elle en reçoit, ou la femelle quand elle est fécondée par le mâle ; alors la femelle ne cesse pas d’être femelle ; elle l’est au contraire à un plus haut degré, elle réalise son essence.

La matière continue-t-elle à être le mal quand elle vient à participer du bien ? Oui, parce qu’antérieurement elle était privée du bien, qu’elle ne le possédait point[1]. Ce qui manque d’une chose et qui l’obtient, tient le milieu entre le bien et le mal, pourvu qu’il se trouve à une égale distance des deux. Mais ce qui ne possède rien, ce qui est dans l’indigence, ou plutôt ce qui est l’indigence même (πενία)[2], est nécessairement le mal : car ce n’est pas l’indigence des richesses, ni de la force, mais l’indigence de la sagesse, de la vertu, de la beauté, de la vigueur, de la figure, de la forme, de la qualité. Comment, en effet, cette chose ne serait-elle pas difforme, absolument laide, absolument mauvaise ?

Dans le monde intelligible, la matière est l’être : car ce qui est au-dessus d’elle [l’Un] est regardé comme supérieur à l’être. Dans le monde sensible au contraire, ce qui est au-dessus de la matière est l’être ; donc la matière est le non-être, et par là même elle est étrangère à la beauté de l’être.


    le premier habitude, ἔξις, ce qui possède et contient (terme aussi emprunté, d’ailleurs, à la philosophie péripatéticienne), et c’est à la force qui anime les plantes qu’ils réservent proprement le nom de nature, φύσις, qui implique et qui exprime l’idée de la génération et de la naissance. » (M. Ravaisson, t. II, p. 172.)

  1. Voy. Enn. I, liv. viii.
  2. C’est une allusion au mythe platonicien de Poros et de Penia. Voy. plus haut, p. 137.