Page:Plotin - Ennéades, t. I.djvu/331

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
190
DEUXIÈME ENNÉADE.

défauts proviennent des raisons [séminales], quoique les arts et leurs raisons ne contiennent ni erreur, ni défaut, ni destruction d’une œuvre d’art[1].

Ici on dira peut-être : Il ne saurait y avoir dans l’univers rien de mauvais ni de contraire à la nature ; il faut accorder que même ce qui paraît moins bon a encore son utilité. Quoi ? on admettra donc que ce qui est moins bon concourt à la perfection de l’univers, et qu’il ne faut pas que toutes choses soient belles[2] ? C’est que les contraires mêmes contribuent à la perfection de l’univers, et que le monde ne saurait exister sans eux ; il en est de même dans tous les êtres vivants. La raison [séminale] amène nécessairement et forme ce qui est meilleur ; ce qui est moins bon se trouve contenu en puissance dans les raisons, et en acte dans les êtres engendrés. L’Âme [universelle] n’a donc pas besoin de s’en occuper ni de faire agir les raisons : si, en imprimant une secousse[3] aux raisons qui procèdent de principes supérieurs, la matière altère ce qu’elle reçoit, les raisons néanmoins la soumettent à ce qui est meilleur [à la forme]. Toutes les choses forment donc un ensemble harmonieux parce qu’elles proviennent tout à la fois de la matière et des raisons qui les engendrent[4].

    l’existence du corps qu’elle anime, toutes ses actions et ses passions depuis sa naissance jusqu’à sa destruction : « Sive anima est mundus, sive corpus, natura gubernante, ut arbores, ut sata, ab initio ejus usque ad exitum quidquid facere, quidquid pati debeat, inclusum est ; ut in semine omnis futuri ratio hominis inclusa est : et legem barbæ et canorum nondum natus infans habet ; totius enim corporis et sequentis ætatis in parvo occultoque lineamenta sunt. Sic origo mundi, non minus solem et lunam, et vices siderum, et animalium ortus, quam quibus mutarentur terrena, continuit. » (Sénèque, Questions Naturelles, III, 29). Voy. Enn. III, liv. III, § 1, 2, 7.

  1. Voy. Aristote, Métaphysique, XII, 3.
  2. Voy. Enn. II, liv. ii, § 13.
  3. Par l’expression : τῷ σεισμῷ τῶν λόγων, Plotin désigne la résistance de la matière à la forme que lui imprime la raison séminale.
  4. Au lieu d’ἂλλως ἑϰατέρως γεγνομένων, mots qui n’offrent