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LIVRE NEUVIÈME.

liens du corps ? Non : quand on emploie la violence, ce n’est pas le corps qui se détache de l’âme, c’est l’âme qui fait effort pour s’arracher au corps, et cela par un acte qui s’accomplit, non dans l’état d’impassibilité [qui convient au sage], mais par l’effet du chagrin, de la souffrance ou de la colère. Or un tel acte est illicite.

Mais si l’on sent approcher le délire ou la folie, ne peut-on les prévenir ? D’abord, la folie n’arrive guère au sage ; ensuite, si elle lui arrive, il faut mettre cet accident au nombre des choses inévitables, qui dépendent de la fatalité, et relativement auxquelles il faut se décider moins d’après leur bonté intrinsèque que d’après les circonstances : car peut-être le poison auquel on aurait recours pour faire sortir l’âme du corps ne ferait-il que nuire à l’âme. S’il y a un temps marqué pour la vie de chacun de nous, il n’est pas bon de prévenir l’arrêt du destin, à moins qu’il n’y ait nécessité absolue, comme nous l’avons dit[1]. Enfin, si le rang que l’on obtient là haut dépend de l’état dans lequel on est en sortant du corps, il ne faut pas s’en séparer quand on peut encore faire des progrès[2].


    animal est séparée de son corps par violence, elle ne s’en éloigne pas et se tient auprès de lui. Il en est de même des âmes des hommes qu’une mort violente a fait périr ; elles restent près de leur corps : c’est une raison qui doit empêcher de se donner la mort. (Traduction de Lévesque de Burigny.)

  1. Plotin fait sans doute allusion ici à ce qu’il a dit en plusieurs endroits du livre Du bonheur. Voy. ci-dessus, liv. II, § 8 et 16.
  2. Voy. Enn. II, liv. ix, § 18.