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LETTRE I

Si donc l’on réfléchit aux circonstances qui doivent avoir donné naissance à cette lettre, si on examine sans préjugés la structure, le ton, les procédés littéraires de la plaidoirie, on éprouve l’impression d’une œuvre artificielle et peu sincère et l’on est porté à croire qu’elle est sortie des écoles de rhéteurs.

Lettre I.

Platon, de retour à Athènes après l’échec définitif de Sicile, exprime d’abord à ses adversaires, puis à Denys, son indignation pour les procédés dont il a été la victime. Il refuse en termes violents d’entrer désormais dans les voies de la conciliation. Il renvoie même la somme, du reste insuffisante, qui lui avait été remise pour parer aux frais du voyage. Que Denys se souvienne du sort tragique réservé aux tyrans qui, au dire des poètes, meurent privés de toute sympathie.

Cette lettre, très courte, a plutôt l’apparence d’un pamphlet. Elle suppose les événements narrés dans la 3e lettre, mais manifeste chez son auteur des sentiments plus passionnés, moins réfléchis. Encore tout vibrant de l’émotion causée par l’attitude récente de Denys, Platon, dès sa rentrée en Grèce, aurait dit tout crûment son fait à son hôte déloyal.

Est-il besoin de discuter l’authenticité de cet écrit ? Une simple lecture suffit à dévoiler la fiction littéraire. Le ton déclamatoire, le recours aux citations de poètes, procédés bien peu naturels dans des circonstances aussi dramatiques, font songer à un exercice d’école. De plus, quelques détails ne s’accordent guère avec ce que nous apprennent des documents plus sûrs au sujet du séjour de Platon en Sicile. Il n’est pas exact que le philosophe ait été fréquemment préposé comme maître absolu à la garde de la cité (309 b). Nulle part également on ne voit qu’il ait dû quitter Syracuse chassé par ses adversaires et sur leurs injonctions (id.). Même si on veut envisager cette manière de s’exprimer comme pure exagération oratoire, il faut avouer que l’emphase frise ici le ridicule. La réalité fut toute autre, puisque Platon dut faire des instances pour obtenir enfin l’autorisation de rentrer dans