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NOTICES

peut en revendiquer la paternité. Par conséquent, raconter leur naissance et leur développement, ce sera, pour Platon, rappeler sa propre formation politique. En quelques pages nerveuses, l’écrivain résume ses expériences de jeunesse, ses espoirs, ses déceptions, sa conviction finale qu’une bonne politique suppose à la base une vraie philosophie. « Donc, les maux ne cesseront pas pour les humains avant que la race des philosophes authentiques n’arrive au pouvoir, ou que les chefs des cités, par une grâce divine, ne se mettent à philosopher sérieusement » (326 b).

Tel était l’état d’esprit du philosophe, quand les circonstances l’amenèrent en Italie et en Sicile. La vue du luxe et du désordre qui régnaient dans ces États affermit ses convictions. Trouvant à la cour de Syracuse une âme capable de comprendre ses sentiments, il voulut la gagner à la cause de la raison. Dion se mit à l’école du sage athénien et se pénétra de sa pensée. Après le départ de son maître et ami, tous ses efforts tendirent à répandre autour de lui l’amour de la vie bonne et raisonnable, fondement indispensable d’une saine politique. À l’avènement du fils de Denys l’ancien, Denys le jeune, il crut le jour venu de réaliser la réforme de l’État et fit des instances auprès de son conseiller d’Athènes, le pressa, insista avec force, jusqu’à ce qu’il obtînt son retour en Sicile (326 c-328 c).

Dans la lettre, Platon a soin de noter la répugnance qu’il éprouvait à se rendre aux désirs de son ami. Il partit forcé, pour ainsi dire, et presque malgré lui. Est-ce pour dégager sa responsabilité des insuccès futurs ? Sans doute. Et, de fait, ce fut l’insuccès total. Denys, mal entouré, ajoutait plutôt foi aux flatteries des courtisans qu’aux leçons austères des philosophes. Il crut aux calomnies que l’on faisait courir sur le compte de Dion et bannit le prince. Il voulut cependant, par vanité ou par une sorte d’admiration à moitié consciente, conserver Platon auprès de lui. Mais au bout de quelque temps, Platon lui-même rentre à Athènes (328 c-330 b).

Avant de poursuivre son récit, le narrateur songe à ce qui devait constituer la partie principale de la lettre, l’exposé de ses conseils à propos de la situation présente. Cette partie, centre de l’écrit tout entier, de l’aveu de l’auteur, nous apparaît à nous, dans la contexture même de l’épître, comme une