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LA RÉPUBLIQUE VII

e-nous pas qu’une âme est estropiée quand, haïssant le mensonge volontaire et ne pouvant le souffrir sans répugnance en elle-même ni sans indignation dans les autres, elle admet facilement le mensonge involontaire et que, convaincue d’ignorance, elle ne s’indigne pas contre elle-même, mais se vautre à l’aise dans son ignorance, comme un pourceau dans la fange ?

536Si, nous le dirons, fit-il.

Et à l’égard de la tempérance, ajoutai-je, du courage, de la grandeur d’âme et de toutes les parties de la vertu, il ne faut pas moins discerner l’esprit bâtard de l’esprit bien né. Faute de savoir distinguer ces vertus, les particuliers et les États s’en remettent aveuglément, quelle que soit celle dont ils ont affaire, à des boiteux et à des bâtards, amis ou magistrats.

Ce n’est que trop ordinaire, dit-il.

C’est donc à nous, repris-je, d’aviser sagement sur tous ces points. Si nous prenons des hommes bbien conformés de corps et d’âme pour les dresser à des études et à des exercices si importants, la justice elle-même n’aura aucun reproche à nous faire, et nous maintiendrons l’État et la constitution ; mais si nous appliquons à ces travaux des sujets mal doués, c’est le contraire qui arrivera et nous couvrirons la philosophie d’un ridicule encore plus grand.

Ce serait véritablement une honte, fit-il.

Sans doute, repris-je ; mais il me semble que moi aussi en ce moment je me rends ridicule.

En quoi ? demanda-t-il.

cC’est que, répondis-je, j’ai oublié que tout ceci n’est qu’un jeu[1], et que j’ai parlé avec trop de véhémence. La raison en est qu’en parlant j’ai jeté les yeux sur la philosophie, et, la voyant indignement bafouée, j’en ai pris de l’humeur, et je crois bien que, dans ma colère contre ses détracteurs, j’ai dit ce que j’en pensais sur un ton trop sérieux.

    l’éducation. D’autre part il laisse de côté ici quelques qualités morales, mesure, grâce, douceur, sans doute pour ne pas se répéter trop visiblement.

  1. Socrate se trouve ridicule, parce qu’il n’est point de bon ton de trop s’échauffer et de prendre un ton tragique dans un entretien de bonne compagnie qui n’est qu’un jeu. Cf. Phèdre 476 E : « C’est un bien beau passe-temps, à côté des mesquines distractions des