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LA RÉPUBLIQUE VII

dcomme la plus sublime de toutes, à voir le bien et à faire l’ascension dont nous avons parlé ; mais lorsque, parvenus à cette région supérieure, ils auront suffisamment contemplé le bien, gardons-nous de leur permettre ce qu’on leur permet aujourd’hui.

Quoi donc ?

De rester là-haut, répondis-je, et de ne plus vouloir redescendre chez nos prisonniers, ni prendre part à leurs travaux et à leurs honneurs plus ou moins estimables.

Mais alors, dit-il, nous attenterons à leurs droits, et les forcerons à mener une vie mesquine, quand ils pourraient jouir d’une condition plus heureuse ?


eV  Tu oublies encore une fois, mon ami, repris-je, que la loi n’a point souci d’assurer un bonheur exceptionnel à une classe de citoyens, mais qu’elle cherche à réaliser le bonheur dans la cité tout entière, en unissant les citoyens soit par la persuasion, soit par la contrainte, et en les amenant à se faire part les uns aux autres des services que chaque classe est capable de rendre à la communauté ; 520et que, si elle s’applique à former dans l’État de pareils citoyens, ce n’est pas pour les laisser tourner leur activité où il leur plaît, mais pour les faite concourir à fortifier le lien de l’État. C’est vrai, dit-il ; je l’avais oublié.

Maintenant, Glaucon, repris-je, observe que nous ne serons pas non plus injustes envers les philosophes qui se seront formés chez nous, et que nous aurons de bonnes raisons à leur donner pour les obliger à se charger de la conduite et de la garde des autres. bNous leur dirons en effet : « Dans les autres États, il est naturel que ceux qui s’élèvent jusqu’à la philosophie ne prennent point de part aux tracas de la politique, parce qu’ils se forment d’eux-mêmes, en dépit de leur gouvernement respectif ; or, quand on se forme de soi-même et qu’on ne doit sa nourriture à personne, il est juste qu’on ne veuille pas non plus la rembourser à qui que ce soit. Mais vous, nous vous avons formés dans l’intérêt de l’État comme

    attachés à elle dans son état présent, à la suite de ces heureux festins, comme on les appelle, parce qu’elle se nourrit de terre. » La même image se retrouve, Phédon 81 b sqq.