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LA RÉPUBLIQUE VII

que des riens sans consistance, mais que maintenant plus près de la réalité et tourné vers des objets plus réels, il voit plus juste ; si enfin, lui faisant voir chacun des objets qui défilent devant lui, on l’oblige à force de questions à dire ce que c’est ? Ne crois-tu pas qu’il sera embarrassé et que les objets qu’il voyait tout à l’heure lui paraîtront plus véritables que ceux qu’on lui montre à présent ?

Beaucoup plus véritables, dit-il.


eII  Et si on le forçait à regarder la lumière même, ne crois-tu pas que les yeux lui feraient mal et qu’il se déroberait et retournerait aux choses qu’il peut regarder, et qu’il les croirait réellement plus distinctes que celles qu’on lui montre ?

Je le crois, fit-il.

Et si, repris-je, on le tirait de là par force, qu’on lui fît gravir la montée rude et escarpée, et qu’on ne le lâchât pas avant de l’avoir traîné dehors à la lumière du soleil, ne penses-tu pas qu’il souffrirait et se révolterait d’être ainsi traîné, 516et qu’une fois arrivé à la lumière, il aurait les yeux éblouis de son éclat, et ne pourrait voir aucun des objets que nous appelons à présent véritables[1] ?

Il ne le pourrait pas, dit-il, du moins tout d’abord.

Il devrait en effet, repris-je, s’y habituer, s’il voulait voir le monde supérieur. Tout d’abord ce qu’il regarderait le plus facilement, ce sont les ombres, puis les images des hommes et des autres objets reflétés dans les eaux, puis les objets eux-mêmes ; puis élevant ses regards vers la lumière des astres et de la lune, il contemplerait pendant la nuit les constellations et le firmament lui-même bplus facilement qu’il ne ferait pendant le jour le soleil et l’éclat du soleil.

Sans doute.

À la fin, je pense, ce serait le soleil, non dans les eaux, ni

    très bien pu tomber après ὀνομάζειν. Sans cette addition, il me paraît impossible de tirer du texte des manuscrits un sens plausible.

  1. Il est intéressant de comparer cette peinture de l’âme qui monte de l’ignorance à la vérité plusieurs autres peintures du même genre, celle de l’âme déliée du corps et cherchant la vérité par elle-même dans le Phédon 82 e-83, celle de l’âme qui s’élève par degrés de la beauté des corps à l’idée du beau absolu dans le Banquet 210-211, celle de l’âme qui, sous la conduite du philosophe, s’élève jusqu’à l’idée de justice dans le Théétète 176 b.