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LA RÉPUBLIQUE V

Ainsi celui qui a une opinion l’a sur quelque chose ?

Oui.

Mais le non être n’est pas une chose, il n’est rien, à parler cexactement.

Assurément.

Au non être nous avons dû rapporter l’ignorance, et à l’être la connaissance.

Avec raison, dit-il.

L’opinion ne s’applique donc ni à l’être, ni au non être.

Non, en effet.

Par conséquent l’opinion ne saurait être ni l’ignorance, ni la connaissance.

Il ne semble pas.

Est-elle donc en dehors des deux et, surpasse-t-elle la connaissance en clarté ou l’ignorance en obscurité[1] ?

Ni l’un ni l’autre.

Mais alors, repris-je, l’opinion te semble plus obscure que la connaissance et plus lumineuse que l’ignorance ?

De beaucoup, dit-il.

dElle est donc entre les deux ?

Oui.

L’opinion est donc quelque chose d’intermédiaire entre l’une et l’autre ?

Certainement.

N’avons-nous pas dit précédemment que, si nous trouvions quelque chose qui fût à la fois et ne fût pas, cette chose tiendrait le milieu entre l’être pur et le non être absolu, et qu’elle ne serait l’objet ni de la science, ni de l’ignorance, mais d’une faculté qui apparaîtrait entre l’ignorance et la science ?

Nous l’avons dit avec raison.

Or nous venons de voir que cette faculté intermédiaire est ce que nous appelons l’opinion.

Oui.

  1. La pleine signification de ces mots clarté, obscurité n’apparaît pas avant VI 508 sqq. : « Quand l’âme fixe ses regards sur un objet éclairé par la vérité et par l’être, aussitôt elle le conçoit, le connaît et paraît intelligente ; mais lorsqu’elle se tourne vers ce qui est mêlé d’obscurité, sur ce qui naît et périt, elle n’a plus que des opinions, elle voit trouble, elle varie et passe d’une extrémité à l’autre, et semble avoir perdu toute intelligence. »