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LA RÉPUBLIQUE V

Ces honneurs sont vraiment glorieux, dit-il.

Te rappelles-tu, dis-je, qu’au cours de notre discussion, je ne sais plus qui nous a reproché de ne pas rendre heureux nos guerriers, qui, 466pouvant avoir tout ce que possèdent les citoyens, n’avaient rien à eux ? Nous avons répondu que nous reprendrions, à l’occasion, l’examen de ce point, mais que pour le moment nous nous occupions de faire de nos gardiens des gardiens véritables et de rendre l’État aussi heureux que possible et que nous façonnions ce bonheur, sans avoir égard à un corps de citoyens isolé.

Je me le rappelle, dit-il.

Revenons maintenant à l’existence que mènent nos défenseurs. S’il est vrai qu’elle nous paraît plus belle et meilleure que celle des vainqueurs d’Olympie, bte paraît-il qu’elle puisse entrer en comparaison avec celle des cordonniers ou d’autres artisans ou avec celle des laboureurs[1] ?

Elle ne me paraît pas comparable, dit-il.

Au reste il me semble à propos de répéter ici ce que je disais alors : c’est que, si le gardien recherche un bonheur incompatible avec son caractère de gardien, s’il ne se contente pas de cette vie modeste, mais sûre, qui est selon nous la meilleure, s’il se laisse surprendre à une sotte et puérile idée de bonheur cqui le pousse à s’approprier tout ce qui est dans l’État, parce qu’il en a le pouvoir, il reconnaîtra qu’Hésiode était véritablement sage, quand il disait que « la moitié est en quelque manière plus que le tout ».

S’il veut, dit-il, me consulter, il s’en tiendra à sa condition.

Tu approuves donc, repris-je, que tout soit commun entre les femmes et les hommes, comme nous venons de l’expliquer, en ce qui concerne l’éducation, les enfants et la garde des autres citoyens ; que, soit qu’elles restent à la ville, soient qu’elles aillent à la guerre, elles prennent part à la garde de l’État, et chassent avec les hommes, comme les chiennes avec les chiens, det qu’elles partagent tout avec eux aussi complètement que possible ? Accordes-tu qu’en tout

  1. Tandis que Platon chante le bonheur de ses gardiens, Aristote s’en tient à l’objection d’Adimante, au commencement du livre IV : « En outre il ôte le bonheur aux gardiens et il prétend que le législateur doit rendre heureuse la cité entière. » Pol. B 5 1264b 15 sqq.