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INTRODUCTION

synthétiser tout cela dans la construction d’une cité de justice, mais était-il besoin de lui pour que de telles idées se fissent jour dans le public et fournissent aux comédiens une riche et facile matière ? Cependant, si l’Assemblée des Femmes peut, sans viser la République, railler plusieurs des thèses que celle-ci expose, il n’est guère possible de ne pas entendre, en plusieurs passages du dialogue, des répliques formelles à la comédie.


Platon
et Aristophane.

Si nous pouvions regarder « la première livraison » de la République, les duo fere libri d’Aulu-Gelle, comme antérieurs aux années 398/2, nous dirions qu’Aristophane a connu par là le communisme de Platon et l’a parodié dans l’Assemblée des Femmes, et que Platon lui donne la riposte dans notre Livre V. Mais qu’y gagnerions-nous ? Était-ce vraiment assez, pour déchaîner la verve du comédien, de cette simple phrase sur « la possession des femmes, le mariage, la procréation des enfants et toutes choses de ce genre, qui, suivant le proverbe, doivent être autant que possible communes entre amis » (424 a) ? Supposons-le : il reste à expliquer les nombreux parallèles de détail entre la comédie et le Livre V, soit par un enseignement oral de Platon, qu’Aristophane parodie et que Platon néanmoins répète lorsqu’il reprend la plume, soit, au contraire, en faisant du Livre V de la République une véritable et volontaire parodie de l’Assemblée des Femmes[1].

    de la mère. Mais le texte insiste sur les multiples sources de satisfaction sensuelle qui s’offrent en dehors du mariage. Sur la poésie de l’amour et la pédérastie, cf. Phèdre ; sur le malthusianisme et l’exposition des enfants, Glotz, Cité Grecque, p. 31 et art.  Expositio dans Dict. Antiq. (impassibilité des lois, p. 936 et suiv.).

  1. Sur la question générale, voir, dans le commentaire d’Adam, l’Appendice I au Livre V (I, p. 345-355). Indépendamment de la question Aulu-Gelle, Krohn (Plat. Staat, p. 80/2) suppose effectivement que le Livre IV de Platon et les réponses qu’il a faites dans l’Académie aux questions suscitées par ce Livre ont excité la verve d’Aristophane et fait naître l’Ass. d. Femmes : à celle-ci répond le Livre V en renchérissant sur le paradoxe du Livre IV. Stein (de Ar. Eccles. arg. e quarto reip. Plat. lib. sumpto, 1880, ap. Adam, loc. cit.) croit que la phrase du Livre IV (424 a) suffisait à elle seule, indépendamment de toute leçon ou explication orale, à susciter la comédie d’Aristophane.