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LA RÉPUBLIQUE

nourrit sa vieillesse, l’espérance qui gouverne souverainement l’esprit flottant des mortels[1]. »

Ce sont là des paroles admirables. C’est en pensant à cela que je tiens la possession des richesses infiniment précieuse, non pas pour le premier venu, bmais pour l’homme sensé : ne pas tromper ni mentir, même involontairement, ne rien devoir, ni sacrifice à un dieu[2], ni argent à un homme, et en conséquence s’en aller sans crainte dans l’autre monde, voilà un avantage auquel la possession des richesses contribue grandement. Elle en a bien d’autres encore ; mais tout bien pesé, je soutiens, Socrate, que c’est bien là, aux yeux de l’homme sensé, le principal bienfait de la richesse.


cLa justice consiste-
t-elle à payer ses dettes ?

Tu parles d’or, Céphale, répliquai-je. Mais cette vertu même, la justice, la définirons-nous simplement comme toi, le fait de dire la vérité et de rendre à chacun ce qu’on en a reçu, et ces deux choses mêmes ne sont-elles pas au contraire tantôt justes, tantôt injustes ? Par exemple, supposons qu’un homme ait reçu d’un ami en son bon sens des armes, et que cet ami devenu fou les redemande : tout le monde conviendra qu’il ne faut pas rendre un tel dépôt, que celui qui le rendrait ne ferait pas acte de justice, non plus que celui qui voudrait dire toute la vérité à un homme en cet état.

dTu as raison, dit-il.

Ce n’est donc pas définir la justice que de la faire consister à dire la vérité et à rendre ce qu’on a reçu.

C’est la bien définir, au contraire, dit Polémarque prenant la parole, s’il en faut croire Simonide.

Pour moi, dit Céphale, je vous abandonne l’entretien : il faut que je m’occupe à présent de mon sacrifice[3].

  1. Nous ne savons pas à quelle classe de ses poèmes se rattachait ce fragment de Pindare. Voir Bergk Poet. Lyr. Gr.4 p. 452.
  2. Socrate mourant a les mêmes inquiétudes que Céphale. « Criton, » dit-il, et ce fut là sa dernière parole, « nous devons un coq à Asclépios ; n’oubliez pas de payer ma dette. » Phédon, 118 A.
  3. Céphale est un personnage protatique, à la manière des personnages protatiques de la comédie nouvelle, qui n’apparaissent que dans la première scène, pour servir à l’exposition, et qu’on ne revoit plus dans la suite de la pièce.