Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome V, 2.djvu/190

Cette page a été validée par deux contributeurs.
426 e
116
CRATYLE

je suppose, que c’est sur cette lettre que la langue s’arrête le moins et vibre le plus ; aussi me semble-t-il en avoir tiré parti pour les former. L’i, à son tour, lui a servi pour tout ce qui est léger et particulièrement capable de traverser toutes choses. Voilà pourquoi l’action 427 d’aller (iénaï) et celle de s’élancer (hiesthaï), c’est au moyen de l’i qu’il les reproduit, comme au moyen du ph, du ps, du s et du z, lettres qui comportent une aspiration, il a imité, en le nommant par elles, tout ce qui a ce caractère, par exemple psukhron (froid), zéon (bouillant), séïesthaï (s’agiter) et, en général, l’agitation (séïsmos). Et quand son imitation vient à porter sur ce qui est plein de vent (phusôdés), partout, en général, ce sont les lettres de ce genre que semble y employer l’auteur des noms. D’un autre côté, l’effet du d et du t, qui est de comprimer la langue et d’appuyer sur elle[1], b semble lui avoir paru utile pour imiter l’enchaînement (desmos) et l’arrêt (stasis). Voyant que la langue glisse particulièrement sur le l, il a désigné par des noms faits à cette ressemblance ce qui est lisse (léïon), l’action même de glisser (olisthanéïn), l’onctueux (liparon), le collant (kollôdés) et toutes les autres notions du même genre. Et comme la langue, dans son glissement, est arrêtée par l’effet du g, il s’en est servi pour imiter le visqueux (gliskhron), le poisseux (gluku), le gluant (gloïôdés). Remarquant, c d’autre part, le caractère interne du n[2], il a donné leur nom au dedans (endon) et à l’intérieur (entos), avec le sentiment de reproduire les faits par les lettres. À méga (grand) il a attribué l’a, et à mêkos (longueur) l’ê, parce que ces lettres sont longues[3]. Ayant besoin de l’o pour désigner le rond (gonggulon), c’est cette lettre qu’il a fait dominer dans le mélange dont il formait le nom[4]. Et de même pour les autres notions : le législateur semble les ramener à des lettres et à des syllabes, en créant pour chacun des êtres un signe et un nom, et partir de

  1. Pour articuler les dentales (δ, τ), on appuie en effet l’extrémité antérieure de la langue contre la barrière des dents, qui la comprime.
  2. Le ν est une nasale, c’est-à-dire se prononce tandis que le voile du palais est abaissé, de telle sorte que l’air expiré vibre dans la cavité des narines (ἔνδον).
  3. Sur le sens de ce passage discuté, et sur la valeur de μεγάλα voir la Notice, p. 25.
  4. Voir la Notice, p. 26.