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EUTHYDÈME

Criton. — Eh quoi ! Socrate, à ton âge ? Ne crains-tu pas d’être déjà trop vieux ?

Socrate. — Nullement, Criton. J’ai, pour me rassurer, un indice et un encouragement suffisants. Eux-mêmes étaient pour ainsi dire des vieillards, quand ils se sont mis à cette science qui fait mon envie, l’éristique ; l’année dernière ou la précédente, ils n’étaient pas encore c savants. Ma seule crainte, à moi, est de couvrir encore de honte ces deux étrangers, comme Connos[1], fils de Métrobios, le cithariste qui même aujourd’hui me donne des leçons de cithare. À cette vue les enfants, mes condisciples, se moquent de moi, et Connos, ils l’appellent un maître pour vieux. J’aurais peur de faire le même affront aux deux étrangers ; et eux, pris sans doute de la même crainte, refuseraient peut-être de m’accepter. Mais moi, Criton, j’en ai déjà décidé d’autres, de vieilles gens, à devenir là-bas mes condisciples, et d je tâcherai d’en décider encore à me suivre ici. Toi-même, pourquoi ne pas te mettre à l’école avec moi ? Tes fils nous serviront à les amorcer ; pour les avoir, je suis sûr qu’ils nous prendront, nous aussi, comme élèves.

Criton. — Rien ne s’y oppose, Socrate, si c’est ton avis. Mais d’abord, explique-moi en quoi consiste le savoir de ces deux hommes ; que je sache ce que nous apprendrons.


Le récit de Socrate. L’auditoire.

Socrate. — Tu vas l’entendre. Car je ne saurais dire que je n’aie pas été attentif à leurs propos ; mon attention était parfaite, comme le sont mes souvenirs, et je vais essayer de te conter tout en détail e depuis le commencement. Un dieu a voulu que je fusse par hasard assis à l’endroit où tu m’as vu. J’étais dans le vestiaire[2], seul, et déjà je songeais à me lever. Mais au moment où je me levais, se produisit cet avertissement divin[3] qui m’est habituel. Je me rassis donc,

    terme : au sens propre, par leur vigueur et leur agilité ; au figuré, parce qu’ils savent le secret de triompher dans les luttes judiciaires. Πάντων κρατεῖν joue sur l’étymologie du mot pancrace ; μάχῃ comme le montre la suite (ἐν ὅπλοις), désigne l’hoplomachie, ou combat en armes (voir Lachès, 182 b).

  1. Cf. Ménexène, 235 e sq. (voir la Notice p. 78).
  2. Endroit où se déshabillaient les gymnastes ; comp. Lysis, 206 e.
  3. Il est plusieurs fois question chez Platon de cette voix inté-