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EUTHYDÈME

que la théorie proprement dite des Formes soit soulevée dans cet endroit du dialogue[1].


La polémique de l’Euthydème.

Si ces rapprochements sont fondés, on s’explique mieux le contenu et le ton de l’Euthydème. Ce ne sont pas seulement deux éristiques de passage que Platon aurait voulu combattre. À travers eux il attaquerait des écoles rivales de la sienne et des adversaires personnels. Il accuserait avec force l’abîme qui le sépare de certains Socratiques et l’irréductible opposition qu’il discerne entre son enseignement et le leur. Bref, l’Euthydème marquerait un épisode de la polémique soutenue par Platon contre ses rivaux. Malgré l’incertitude qui peut subsister sur le sens de certaines attaques, il est impossible, à la lecture de l’ouvrage, de ne pas être frappé de la vigueur et de l’âpreté de la critique. L’Euthydème n’est pas seulement, comme le Protagoras, une spirituelle comédie : c’est une violente satire, menée sans ménagement ; elle respire une animosité qui serait incompréhensible si l’auteur ne ripostait à des ennemis qu’il a résolu d’abattre[2].

Les thèses attribuées aux sophistes de l’Euthydème sont condamnées en bloc par Platon : il est clair qu’à ses yeux aucune ne mérite la discussion. Plus tard, il changera d’avis, il s’apercevra que ces propositions paradoxales touchent à des problèmes difficiles, qui demandent un examen approfondi[3]. Dans le Théétète il reprendra la définition du savoir ; il discutera la question déjà effleurée dans l’Euthydème : peut-

  1. Cette idée que dans toute belle chose il y a de la beauté se retrouve dans l’Hippias majeur, 289 d ; Gorgias, 497 e ; cf. Euthyphron, 6 d ; Ménon, 72 c ; elle n’exprime peut-être encore qu’une conception socratique (Wilamowitz, o. l., p. 158).
  2. Wilamowitz, o. l., p. 167, traite de roman l’hypothèse d’une attaque dirigée contre Antisthène : il allègue que rien n’empêchait Platon de mettre en scène son adversaire. Mais Platon a pu avoir ses raisons, que nous ignorons. On trouve chez lui maintes allusions à cette polémique, expressément attestée par Diogène de Laërte (III, 35) et généralement admise aujourd’hui. Les deux sophistes de l’Euthydème n’ont abordé que dans leur vieillesse l’étude de l’éristique. Ne serait-ce pas une allusion à Antisthène, si c’est bien lui que vise le Sophiste (251 b τῶν γερόντων τοῖς ὀψιμαθέσι) ? Cf. Gomperz, o. l., p. 568.
  3. Raeder, o. l., p. 143.