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NOTICE

Mais Platon paraît avoir eu un autre motif, quand il prête à Aspasie l’oraison funèbre du Ménexène. En associant son nom à celui de Connos, le vieux cithariste qui enseignait la musique aux enfants[1], Socrate veut indiquer que ses prétendus maîtres sont de valeur également médiocre[2]. Et pour se faire mieux entendre, il les place ironiquement l’un et l’autre au-dessus d’un musicien célèbre, Lampros, et d’un orateur réputé, Antiphon (236 a). Par là il montre le peu de cas qu’il faut faire du discours annoncé. Mais ce dédain ne tombe pas seulement sur l’oraison funèbre du Ménexène. Il atteint du même coup celle de Périclès, elle aussi composée, suivant Socrate, par Aspasie (236 b), qui a rassemblé les restes inutilisés pour en former le présent discours. L’une et l’autre n’ont pas plus de valeur aux yeux du philosophe que s’ils étaient réellement l’œuvre d’une femme[3]. Rappelons que, si Périclès est nommé avec éloge dans le Phèdre (269 e), le Gorgias se montre pour lui fort dur : il lui reproche, comme aux autres orateurs athéniens, d’avoir perdu la cité, en lui offrant des douceurs pour la flatter, au lieu de lui inspirer la moralité et la justice (503 c sq.).

Platon a-t-il donc voulu donner dans le Ménexène une parodie de l’éloquence de Périclès, ou plus exactement de l’oraison funèbre rapportée par Thucydide[4] ? C’était l’avis de Denys d’Halicarnasse[5]. La comparaison des deux discours fait apparaître en effet quelques ressemblances[6], assez caracté-

    joueur de flûte, plusieurs fois vainqueur dans les jeux, et non un cithariste.

  1. Voir Euthydème, 272 c, 295 d.
  2. Wilamowitz, o. l., p. 140.
  3. Suivant Berndt, o. l., p. IV, Platon veut faire comprendre, par la mention d’Aspasie et de Périclès, que son discours imite l’ancienne école de rhétorique, dont la manière se retrouve aussi bien dans l’oraison funèbre de Thucydide que dans celle du Ménexène.
  4. Il n’y a pas de raison, en effet, pour supposer qu’il vise un autre discours de Périclès, ou une autre forme du même discours. Il serait invraisemblable que Platon ignorât, comme le supposait Grote, l’ouvrage de Thucydide. Certains rapprochements permettent même d’affirmer le contraire. Cf. Gomperz, o. l., p. 466, note 1.
  5. O. l., p. 23 : « Platon, à mon avis, imite Thucydide » (dans le discours du Ménexène).
  6. Énumérées par Berndt, o. l., p. 3. Comparer notamment