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PHÈDRE

lect, s’enfonce de nouveau dans ce ciel qui est la demeure ordinaire de son âme. C’est alors qu’il donne à ses chevaux une nourriture et une boisson choisies, dont les noms prouvent assez que, dans l’esprit de Platon, elles sont le produit de cette contemplation supérieure et la quintessence de ce qui est propre à entretenir la vertu des ailes (247 e fin ; cf. 248 c déb.) ou à satisfaire l’aspiration qui porte l’âme naturellement vers les hauteurs (cf. 248 a 7). — Or cette aspiration, les autres âmes s’efforcent bien de la contenter, mais sans succès : leurs conducteurs ne réussissent même pas à élever la tête d’une façon continue vers les réalités du lieu supracéleste. Ce sont tout au moins des âmes incapables de soutenir quelque temps l’effort de la contemplation et dont la vision restera incomplète. Comme elles sont pourtant avides de s’élever et qu’elles pensent n’y pouvoir réussir qu’au prix d’une concurrence pressée, elles se bousculent et se piétinent (cf. 247 b 5). Mais le résultat, c’est qu’ainsi elles gâtent leurs ailes et que, faute d’être capables de se soutenir sur la voûte du ciel, elles sont contraintes d’y rentrer avant le terme fixé de la révolution circulaire. C’est un accident auquel, semble-t-il, n’échapperont pas les âmes les mieux trempées. Toujours est-il qu’elles tombent alors brutalement et que leur chute ne s’arrête qu’à la terre (cf. 246 c et 248 c fin). Désormais ce sera l’opinion, avec les incertitudes au milieu desquelles elle roule et se traîne, ce ne sera plus le savoir, qui sera leur pâture.

La destinée des âmes déchues : une double eschatologie.

D. — Voilà donc deux sortes d’âmes déchues : les unes ont eu quelque part à la contemplation des réalités vraies, les autres en ont été privées. La question se pose alors (248 c 3 sqq.) de savoir quelle sera inévitablement leur destinée (cf. p. 40, n. 2) en

    lutions astronomiques et l’exercice de la pensée pure. Il ne faut pourtant pas se hâter d’y voir de simples fantaisies. On ne doit pas oublier en effet que l’étude de l’astronomie est une voie d’ascension vers la dialectique (cf. p. 38, n. 2), et ce trait de l’éducation platonicienne montre assez clairement toute la portée symbolique du rapport spatial des révolutions célestes aux pures Idées. Ces spéculations ne sont pas du reste plus déconcertantes que d’autres du même genre, celles par exemple qui bientôt concerneront l’eschatologie.