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les choses corporelles. Mais Platon a hâte de marquer le symbolisme de ce langage : ce qui réside dans ces hauteurs vers lesquelles fait monter l’aile, c’est ce qui est beau, savant et bon[1]. Voilà donc ce qui, étant l’objet auquel tendent les ailes comme à ce qui les nourrit (cf. 246 e), donne à celles-ci leur vertu propre. Inversement, cette vertu est détruite par ce qui est le contraire du beau, du savant et du bon. — Ceci dit, on va voir quels sont les effets de cette vertu, d’abord en ce qui concerne le ciel lui-même ou le monde, puis en ce qui concerne un autre monde qui est par delà le ciel, et, dans chaque cas, pour les âmes qui sont divines comme pour celles qui ne le sont pas.

a. Platon décrit donc (246 e sqq.) une sorte de procession que des âmes de dieux et de démons accomplissent dans le ciel, chacune avec le cortège d’âmes en tête duquel elle s’avance. Celui qui conduit la procession entière, c’est Zeus ; il l’ordonne dans son détail et il pourvoit à tout. Quoiqu’il y ait douze dieux et démons, l’armée entière comprend seulement onze bataillons, parce qu’Hestia n’en fait point partie et que, immobile, elle reste au foyer du palais des dieux[2]. Chaque groupe enfin a son rang et son rôle propres. Si main-

  1. Comparer Banquet 204 a déb. et ici 247 d : le savoir est inhérent à la nature du dieu, et c’est pour cela qu’un dieu ne désire pas le savoir comme un bien dont il serait dépourvu et que, par conséquent, il n’est pas philosophe. Il est remarquable que les trois termes nommés ici semblent répondre, dans un ordre renversé, à la hiérarchie qu’on trouve à la fin du Philèbe, 64 e sq. : le Bien inaccessible, la Beauté, la Vérité ; il ne manque ici que la Proportion.
  2. Cf. p. 37, n. 1. — Le mot hestia désigne proprement le foyer auprès duquel est placé l’autel des divinités domestiques : c’est la maison même. Puis le foyer de la famille devient une des grandes divinités olympiennes, petite-fille d’Ouranos et de Gaïa, fille de Cronos et de Rhéa, sœur de Zeus, de Poséïdôn, de Hadès, de Dêmêtêr et de Hêra. Si donc Platon l’identifie ici à la terre, c’est qu’il ne se fonde pas sur la tradition mythologique. Mais, comme dans le Timée 40 b fin, il paraît transposer une métaphore des Pythagoriciens : ce n’était pas en effet la terre, mais le feu central, que Philolaüs appelait, nous dit-on, « le foyer de l’univers », « la demeure de Zeus », « l’autel », etc. (cf. Vorsokr. ch. 32, A 16 et B 7 ; ch. 45, B 37 s. fin.). Quoi qu’il en soit, Cratyle (401 b ; p. 77, n. 3 de l’éd. de L. Méridier) et les Lois (V 745 c) nous disent que Hestia est la première divinité à honorer, avant Zeus et avant Athêna.