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PHÈDRE

comme dans les éléments de ces parties, il n’en peut être ainsi quand on veut se représenter une âme d’homme. En premier lieu, l’attelage y couple des chevaux qui ne sont point pareils[1]. En second lieu, tandis qu’un des chevaux ainsi appariés est fait de bons éléments, l’autre sera tout l’opposé. Enfin, dans de telles conditions, la fonction même de cocher s’exercera avec un succès incertain. Ainsi ce qui caractérise la chose à laquelle une âme humaine est comparable, c’est un mélange du mauvais avec le bon[2]. — b. Étant donné que l’âme est un principe de vie qui est commun aux hommes et aux dieux, pourquoi cependant (246 b 5 sqq.) à propos des premiers parle-t-on de vie mortelle, de vie immortelle à propos des seconds ? Tout ce qui a nature d’âme[3]

  1. Quand il s’agit de l’attelage en général, divin comme humain, Platon se sert en effet du terme général zeugos ; le terme qui est employé ensuite pour l’âme humaine est synôris, qui désigne un attelage dont les chevaux sont couplés mais ne sont pas identiques. La différence ne consiste pas en ce que les chars des âmes divines n’auraient qu’un seul cheval comme si, à la fin de a, le pluriel les chevaux était déterminé par le sujet pluriel, les dieux. Mais, on le verra par la suite, le cas est le même que celui des âmes humaines. Toutefois, en ce qui concerne ces dernières, Platon commence par noter seulement une diversité, qui pourrait n’être que de race ou de taille ou d’âge. Puis il spécifie qu’au bon est associé du mauvais.
  2. Ce n’est pas en effet simplement un mélange en tant que tel, comme Platon semble le dire au début de b ; car les âmes divines comportent, on l’a vu, un mélange, mais du bon avec le bon. Ici comme ailleurs, Platon appelle « exempt de mélange » ce qui est mélangé selon des proportions exactement définies et sans mélange de rien d’étranger à sa nature : ainsi dans le Timée (57 c) ces corps premiers qui, loin d’être les éléments ou les lettres des choses, en sont les véritables syllabes, donc des mélanges dont il a déjà expliqué la composition ; ainsi dans le Philèbe (59 c) les objets de la dialectique, c’est-à-dire les Idées, dont l’exactitude a été comparée (58 cd) à la pureté d’un blanc qui n’est mêlé d’aucune autre couleur ou d’un plaisir qui n’est pas mêlé de douleur (53 ab). De même dans le Phèdre 247 d 2, quand il parle de « savoir sans mélange », cela ne doit pas s’entendre à la rigueur, puisqu’il n’y a pas de savoir qui ne comporte des relations (cf. Théét. 201 e-206 b).
  3. Cf. p. 36, n. 1. Wilamowitz I2 p. 463 suit le texte de Burnet et traduit comme j’ai fait. L’objet du morceau, qui est d’opposer des vies immortelles à des vies mortelles et de définir le sens de cette