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NOTICE

qui doit lui faire préférer, pour ses mérites, cet amant qui soi-disant n’est pas amoureux. Ce qui va être dit maintenant est bien une rétractation : à la place de l’éloge d’un amant sans passion, que Socrate s’est refusé à prononcer, nous allons entendre un éloge de l’exaltation dans l’amour. Ainsi la rétractation apparaît à la fois comme un changement de point de vue et comme une progression à un point de vue supérieur. Une fois établi de la sorte l’objet du second discours, il est dans l’ordre que soit justifiée tout d’abord l’intention même de cet « éloge de la folie ».


Le délire et ses formes.

1. C’est ce que va faire Platon (244 a 6 sqq.) en exposant trois raisons desquelles il résulte que, loin d’être toujours un mal, le délire est au contraire, sous trois formes bien connues, un grand bien pour les hommes, donc un don des dieux ; ce qui permettra de penser (cf. 245 b sq.) que, si l’amour est lui-même une quatrième forme du délire, l’amour doit être pareillement un privilège que nous accorde la divinité. — La première preuve est double. On allègue d’abord ce fait qu’il y a des prophétesses, femmes d’un esprit plus qu’ordinaire quand elles sont dans leur bon sens, capables au contraire de lire dans l’avenir quand elles sont inspirées du dieu dont elles sont les prêtresses[1]. Le langage d’autre part témoigne dans le même sens. Si en effet, par delà les dénaturations qu’il a subies, on remonte jusqu’aux mots primitifs, on voit que les Anciens liaient au délire la vision immédiate du devin[2], à la réflexion mettant en œuvre certaines connaissances la divination médiate de l’augure, en tant qu’elle se fonde sur des signes : preuve que leur sagesse faisait du délire plus de cas que du raisonnement. — La seconde forme du délire est encore religieuse. On lui doit la découverte de ces

  1. Platon en nomme trois : celle du temple d’Apollon Delphien, la Pythie, dont le trépied reposait au-dessus d’une crevasse du sol ; celle du temple de Zeus à Dodone qui parlait par son chêne (cf. 275 b) ; enfin la Sibylle que, comme Aristophane (Paix, 1096 ; cf. Héraclite fr. 92 D.), il ne désigne pas autrement et qui est sans doute la Sibylle d’Érythrées (plus probablement la cité béotienne, et non sa colonie ionienne).
  2. D’après le Timée 72 b le devin est bien supérieur au prophète, qui n’est alors que l’interprète du devin.