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PHÈDRE

fatuité, tandis qu’un amant qui a de l’empire sur soi préfère à la vanité de se faire valoir l’avantage d’en venir à ses fins. — 2o (232 a mil.) Variation : de toute manière, les assiduités du passionné compromettent son aimé, car celui-ci est soupçonné dès qu’on les voit ensemble ; mais, si l’amant est sans passion, on ne pense qu’à l’amitié ou à d’autres motifs pareillement innocents. — 3o (mil.) Nouvelle variation, qui précise ce thème de l’amitié (cf. p. 10, n. 1) : l’amitié certes est un lien sujet à se rompre ; mais, tandis qu’avec n’importe quelle autre cause, le dommage est égal des deux côtés, c’est au contraire pour l’aimé qu’il est le plus grand s’il a déjà cédé à la passion d’un amoureux. La jalousie de celui-ci aura en effet écarté de l’aimé tous ceux dont il redoute l’influence ; bien plus elle le force à les éloigner lui-même ; autour de lui elle ruine enfin toute amitié. Inversement, l’amant sans passion la favorise : s’il pense en effet devoir seulement à son mérite le succès de ses vœux, c’est que ce mérite aura été reconnu de l’aimé ; en refusant son amitié à ce dernier, on déprécie par là même la consécration que son mérite a reçue, tandis qu’on la confirme dans le cas contraire ; ainsi, plus l’aimé aura d’amis, plus lui-même il s’estimera flatté[1].

Dans une troisième partie on se place au point de vue moral. 1o (232 e) Constance de l’amant sans amour : le passionné ne songe qu’au corps, de sorte que son amitié mourra avec son désir ; l’autre au contraire a commencé par une amitié dont le motif est la valeur morale et sociale de l’ami ; si donc à celles-ci s’ajoutent des satisfactions sensuelles, ces dernières ne font courir à l’amitié aucun risque. — 2o (233 a, mil.) Amélioration morale de l’aimé (cf. p. 11, n. 1) : par ses flatteries, par son manque de jugement et d’équilibre,

  1. Contrairement encore à l’avis de M. Méridier, je ne pense pas que s’impose la correction proposée par Heindorf à d 7 et adoptée par d’autres éditeurs. Le sens serait alors que le motif de l’antipathie ou de la sympathie de moi, amant, à l’égard de ceux qui refusent ou acceptent d’être les amis de toi, mon aimé, c’est le dédain qu’ainsi ils te témoignent ou le cas qu’ainsi ils font de ta compagnie. Mais il semble qu’avec ce sens ne se comprenne plus la phrase de laquelle dépend tout le développement en cause : à quoi aurait-il servi de dire que ce n’est pas à sa passion, mais à son mérite propre, que l’amant froid doit son succès, si l’objet de son inquiétude devait être ensuite la réalité du mérite chez l’aimé ?