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PHÈDRE

tinés à nous apprendre que la pièce est en effet de Lysias. Enfin, on comprendrait fort mal que, à la fin du dialogue, le talent d’Isocrate fût comparé à celui de Lysias, si ce n’était pas vraiment le talent personnel de ce dernier qui était en cause au début.

Ces raisons sont à la vérité proprement irréfutables, et l’on accordera sans difficulté que les arguments du parti adverse[1] n’ont rien de décisif. C’est en effet ne rien prouver du tout que, par exemple, de rappeler quels incomparables échantillons Platon a donnés ailleurs, et notamment dans le Protagoras et dans le Banquet, de son habileté dans l’art du pastiche ; de se demander par conséquent pourquoi il aurait, cette fois, renoncé à un procédé dans lequel il était passé maître. Raisonner de la sorte, c’est, dit-on, très justement, répondre à la question par la question, ce qui s’appelle une pétition de principe.

Mais, répliquerait-on volontiers, n’est-ce pas commettre la même faute de logique, que de fonder la thèse de l’authenticité sur l’hypothèse des Lettres ? Il est fort à craindre en effet que ce ne soit justement sur la thèse que se fonde l’hypothèse : c’est parce qu’on croit le discours authentique et qu’il peut ressembler à une épître, qu’on ajoute foi à l’existence d’un recueil de Lettres de Lysias. Des témoignages aussi tardifs que ceux dont on fait état et d’une autorité aussi faible, ne témoigneraient-ils pas plutôt de la facilité avec laquelle l’érudition de ces temps s’enrichissait d’une fausse monnaie littéraire, que d’astucieux industriels étaient empressés à lui fournir, et plus particulièrement peut-être dans ce genre même de la Lettre ? Le discours de Lysias dans le Phèdre pouvant en faire figure, on a pu être tenté de fabriquer quatre autres semblables lettres à des adolescents, puis de grossir encore un recueil si bien commencé (cf. p. lx et n. 3). — C’est encore commettre une pétition de principe que d’ap-

  1. C’est celle qui compte le moins grand nombre de partisans, cf. Weinstock, p. 34 n. 2. Dans l’article déjà cité, p. 343 n. 2, É. Bourguet se déclare beaucoup moins sensible (en 1919) qu’il ne l’était autrefois à l’argumentation de Vahlen, dont la thèse est longuement critiquée par Weinstock. Cf. aussi A. Diès, Autour de Platon (La transposition platonicienne, 1913-4), p. 419 sq., p. 423 et la note.