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NOTICE

elle serait comparable à ce que sont, dans le Banquet, ou bien la généalogie de l’Amour ou, mieux encore, cette boîte dont Socrate est l’image et qui, enfermant une figurine sacrée, représente au dehors un grossier silène (cf. p. 96, n. 1). Que demande en effet Socrate ? Qu’à la laideur grotesque du dehors s’unisse la beauté du dedans et que, inversement, aucun des avantages extérieurs qui peuvent bien lui échoir ne fasse tort aux valeurs intérieures ; n’y a-t-il pas là le vœu implicite qu’une bestiale dégradation de l’amour ne vienne jamais appauvrir l’idéal qu’il s’en est fait ? Puisse-t-il en somme être un Sage tout en étant un homme, comme Pan est un Dieu tout en étant un bouc ! C’est, d’autre part, conclure à souhait un entretien sur la rhétorique, au cours duquel à des discours mensongers et pleins de bassesse s’est uni un discours plein de vérité et divinement inspiré : en invoquant le fils du dieu même de la parole, Pan qui est patron d’un double discours, Pan en qui s’unissent la bête et le dieu, Socrate semble demander à un dieu de la rhétorique de lui épargner la dégradation à laquelle est exposé dans son discours quiconque méconnaît l’idéal de la parole[1].


Conclusion.

En résumé, l’unité de la composition du Phèdre ne me paraît pas pouvoir être mise en doute. L’art avec lequel elle est réalisée est d’une légèreté subtile et d’une incomparable souplesse ; on en alourdit nécessairement le libre jeu dans l’effort qu’on fait pour suivre ce jeu dans ses mobiles articulations. L’harmonie de l’ensemble y est faite de la variété des éléments, des sonorités, des rythmes. Ce qu’il faut chercher en effet ici, ce n’est pas la symétrie factice d’un plan conventionnel ; c’est plutôt la puissance créatrice de la vie qui, à travers

  1. À l’égard d’un philosophe, fût-il poète, rien n’est plus légitime que de chercher à expliciter des intentions qu’il nous laisse deviner. Irait-on cependant jusqu’à penser, avec Z. Diesendruck (op. cit. p. 32), que la réplique de Phèdre, sur laquelle s’achève le dialogue : « Entre amis tout est commun ! », soit un ultime rappel du thème de l’amour, sous prétexte qu’elle suppose la thèse du second discours de Socrate et signifie l’attachement semblable de l’amant et de l’aimé à un bien supérieur, qui leur est commun ? Il ne faut pas voir partout des intentions définies.