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NOTICE


L’objet immédiat du dialogue :
la rhétorique.

Dès le début, nous sommes mis en face de Lysias et introduits dans l’école d’un maître de rhétorique : Lysias a lu devant son auditoire un discours de sa composition sur le thème de l’amour, et ce qui fait l’intérêt de cette composition aux yeux de Phèdre, c’est qu’il a pris, si l’on peut dire, le thème à rebrousse-poil et qu’il a parlé d’un amour d’où l’amour est absent (227 c) ; ce qui est le comble de l’originalité dans l’invention. Quoique la lecture ait lieu dans une maison particulière (ibid. b), il s’agit bien d’une leçon d’école et l’auditoire est un auditoire d’élèves : Phèdre se plaint en effet d’être resté assis depuis le petit matin (ibid. a et 228 b), et l’on sait que les classes à Athènes ouvraient en effet avec le jour. N’est-ce pas d’autre part l’image d’une classe qui nous est donnée par Socrate, quand il se représente Phèdre empressé à se faire analyser par le Maître chacun des passages qui ont excité son intérêt, demandant à emporter le texte du modèle pour étudier celui-ci plus à loisir, se hâtant, avant de le rendre, de l’avoir en secret appris par cœur (228 ab)[1] ? Si enfin Phèdre se dit capable de donner, point par point, un sommaire du discours, il est possible que ce sommaire soit le moyen dont il a usé pour aider sa mémoire, mais possible aussi que ce soit le fruit du commentaire même du Maître sur le discours qu’il vient de lire. Enfin ce Socrate que Platon peint ailleurs comme un homme passionné d’entretiens où questionneur et répondant cherchent en commun la vérité, ce Socrate que l’éloquence de longue haleine décourage (p. ex. Protagoras 328 de, 335 bc ; Apologie 33 b), est représenté ici comme follement avide d’y goûter et de se prêter à ses redoutables enchantements (cf. p. 17, n. 3). Ironie sans doute, mais qui rappelle celle qu’on trouve au début d’un dialogue dont l’objet est justement l’art oratoire, le Ménexéne. Une chose apparaît donc dès ces premières pages : c’est que Platon n’a pas attendu d’être plus qu’au

  1. D’après O. Navarre, Essai sur la Rhétorique grecque, p. 36, l’exercice dont il est question 228 e n’est pas seulement celui par lequel on s’assure de bien posséder ce qu’on s’est proposé de savoir par cœur, mais un exercice de libre reconstruction, à l’aide du plan et des souvenirs qu’on a conservés du détail de l’original : voir ce que dit Phèdre au début du 228 d et que j’interprète un peu autrement.