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PHÈDRE

qui pour tout le monde est claire, savoir que, dans des questions de ce genre, il y a des points sur lesquels nous sommes d’accord, tandis que sur d’autres il y a dissentiment ?

Phèdre. — Je crois comprendre ce que tu dis ; parle toutefois plus clairement encore.

Socrate. — Quand, nommément, on nous parle de fer ou d’argent, est-ce que nous ne pensons pas tous la même chose ?

Phèdre. — Rien de plus certain.

Socrate. — Mais, quand il s’agit du juste et du bon, que se passe-t-il ? Chacun ne se porte-t-il pas dans une direction différente ? Est-ce qu’à nos contestations mutuelles ne s’ajoutent pas celles que nous avons avec nous-mêmes ?

Phèdre. — Hé ! absolument.

Socrate. — b Alors, c’est donc qu’il y a des cas où nous sommes en accord, et d’autres, non ?

Phèdre. — C’est cela.

Socrate. — Or donc, dans lequel de ces deux cas sommes-nous le mieux dupes de l’illusion et dans lequel des deux domaines la rhétorique a-t-elle plus de pouvoir ?

Phèdre. — Dans celui, la chose est claire, où notre pensée est flottante[1].

Socrate. — S’il en est ainsi, l’homme pour qui l’art rhétorique va être l’objet de sa recherche doit avoir commencé par instituer une division en règle de ces deux espèces, et par se rendre compte de ce qui caractérise chacune d’elles : aussi bien celle où la pensée de la foule doit forcément flotter, que celle où il n’en est point ainsi.

Phèdre. — La bonne espèce, en tout cas, Socrate, c il en aura sans doute pris conscience, celui qui se rend compte de cela !

Socrate. — Et puis après, en toute question à laquelle on s’attache, je pense qu’on ne doit pas laisser échapper, mais, au contraire, percevoir finement auquel des deux genres se trouve appartenir le sujet sur lequel on aura à parler.

    pias II). Mais, pour qu’il se plaise à un tel jeu, il y faut quelque influence étrangère, une influence à laquelle, averti par son Démon, Socrate sait qu’il eut tort de céder. Ceci vise donc le premier discours (cf. 263 d et p. 20, n. 2).

  1. Ici et infra le grec dit errante ; ce qui en français suggère l’idée d’erreur. Mais il s’agit seulement de distinguer les problèmes dont