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PHÈDRE

vent et à l’égard de ceux pour qui c’est possible ; ou encore, quand un autre fait en les dissimulant de telles assimilations, d’amener celles-ci au grand jour.

Phèdre. — Quelle est, dis-moi, ton idée en parlant de la sorte ?

Socrate. — À chercher dans le sens que voici, m’est avis qu’elle apparaîtra… L’illusion, est-ce dans les choses qui diffèrent beaucoup qu’elle se produit, plutôt que dans celles qui diffèrent peu ?

Phèdre. — 262 Dans celles qui diffèrent peu.

Socrate. — Eh bien ! oui, c’est sûr : si tu te déplaces petit à petit, ton mouvement dans la direction opposée aura plus de chances de passer inaperçu, que si c’était à grands pas.

Phèdre. — Le moyen qu’il en soit autrement !

Socrate. — Il faut donc, alors, si l’on doit faire illusion à autrui, mais sans être soi-même dupe de l’illusion, que l’on connaisse à fond bien exactement les similitudes de la réalité et ses dissimilitudes.

Phèdre. — C’est une nécessité, disons-le !

Socrate. — En conséquence, sera-t-on à même, pour chaque chose dont on ignore la vérité, de discerner chez les autres la similitude de la chose ignorée, que cette similitude soit petite ou grande ?

Phèdre. — b Impossible.

Socrate. — Donc, quand on juge contrairement à la réalité et qu’on est dupe d’une illusion, il est manifeste que, si ce mal s’est insinué en nous, c’est l’effet de certaines similitudes.

Phèdre. — Oui, c’est bien ainsi que la chose se passe.

Socrate. — Est-il donc possible qu’on ait l’art d’opérer un changement, petit à petit, en usant des similitudes pour faire en chaque cas passer de la réalité à son contraire, et que d’ailleurs on échappe soi-même à cet accident si l’on n’a pas acquis la connaissance de l’essence de chaque réalité ?

Phèdre. — Non, jamais !

    vrai que, sur le fond, la pensée de Platon est la même : l’antilogie des Sophistes ou, ce qui est tout un, des maîtres de rhétorique et des logographes, est coupable de la malhonnêteté des plaideurs (cf. 272 de, 273 a) et de celle des orateurs politiques.