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PHÈDRE

titude, celle qui précisément doit décider ; pas davantage ce qui réellement est bon ou beau, mais ce qu’elle en pensera. Voilà quel est en effet, dit-on, le principe de la persuasion, mais non pas la vérité.

Socrate. — La parole impossible à rejeter[1]… impossible, Phèdre, quand cette parole est celle de savantes gens ; mais on examinera plutôt s’il n’y a pas du vrai dans ce qu’ils disent ! Et, en particulier, ce que tu viens de dire, il ne faut pas en faire fi.

Phèdre. — Parfaitement !

Socrate. — Voici maintenant comment nous devons en faire l’examen…

Phèdre. — De quelle façon ?

Socrate. — Suppose que moi, je veuille, à toi, te persuader d’aller b combattre l’ennemi après avoir fait acquisition d’un cheval ; que tous les deux, nous ignorions le cheval ; mais qu’il y ait pourtant une chose que, sur ton compte, je me trouverais à connaître, c’est que, au jugement de Phèdre, le cheval est de tous les animaux domestiques celui qui a les plus longues oreilles…

Phèdre. — Ma foi, Socrate, ce serait ridicule !

Socrate. — Non, pas encore. Mais que, maintenant, je veuille pour tout de bon te persuader au moyen d’un discours de ma composition : un éloge dont l’âne serait le sujet, où je donnerais le nom de cheval à cette créature, dont je déclarerais inappréciable l’acquisition aussi bien pour chez soi qu’en campagne, et non moins utile pour combattre de haut que, bien entendu, avantageuse eu égard à la capacité de porter c le bagage et des tas d’autres choses…

Phèdre. — Ah ! maintenant ce serait, ma foi, ridicule achevé !

Socrate. — Dis-moi, est-ce qu’il ne vaut pas mieux le ridicule chez un ami que la puissance redoutable chez un ennemi[2] ?

Phèdre. — C’est évident !

Socrate. — Ainsi donc, lorsque l’orateur de talent, igno-

    musique et d’astronomie avec philosophie, peut-être enfin une tradition pythagorique où la philosophie est Calliope (p. 29, 1 et 38, 2).

  1. Formule proverbiale qui vient de l’Iliade (II 361).
  2. Ce texte controversé s’éclaire, je crois, par la remarque iden-