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PHÈDRE

bres, ni pour le voyage souterrain, qu’en vertu de la Loi partent ceux qui déjà ont commencé le voyage qui se fait au-dessous du ciel[1] ! Elle veut au contraire que, passant une existence lumineuse, ils soient heureux tandis que, en compagnie l’un de l’autre, ils font e ce voyage, et qu’ensemble, à raison de leur amour, ils soient pourvus d’ailes quand ce sera pour eux le temps d’en être pourvus.

Conclusion.

« Voilà quelle est la grandeur, mon gars, et l’exceptionnelle divinité des biens que te donnera une amitié qui est celle d’un amoureux ! Quant à la liaison dont l’initiateur est un homme qui n’aime pas, celle-ci, trempée de sagesse mortelle, s’employant à des règlements d’une économie mortelle, enfantant dans l’âme amie une mesquinerie que la foule loue à l’égal d’un mérite, vaudra à cette âme 257 de rouler pendant neuf milliers d’années, autour de la terre et sous la terre, dans un état de déraison.

« Et voilà comment toi, à cher Amour, tu as reçu la plus belle, la plus excellente palinodie dont nous soyons capable, offrande et expiation à la fois ! À tous égards, et spécialement pour le vocabulaire, l’éloquence[2] en est d’un tour poétique : c’est une nécessité dont Phèdre est responsable. Eh bien ! en accordant à mon premier discours ton pardon, au second, ta faveur, sois bienveillant, sois propice : cette science de l’amour que tu m’as accordée, par colère ne la retire pas ! ne la rends pas infirme ! accorde-moi au contraire d’être, plus encore qu’à présent, en crédit auprès des beaux garçons b ! Si, dans le passé, nous avons tenu quelque propos trop dur à ton égard, Phèdre aussi bien que moi, c’est Lysias, le père du sujet[3], que tu dois incriminer :

  1. À cette amitié, fondée sur l’amour, le sort qu’au terme impartit la Loi (cf. 248 c), ce n’est pas la survie souterraine, réservée avec le vagabondage circumterrestre (infra) au faux ami des deux premiers discours : c’est une survie infra-céleste. Sans doute, tandis que montent plus haut d’autres âmes (249 a fin), celles-ci restent-elles au pied des escarpements qui mènent au faîte du ciel (247 a sq.). À ceux au contraire dont l’amour a été philosophique, Socrate promet (b) la même béatitude que Diotime à celui qui a gravi tous les échelons de l’initiation amoureuse (Banquet 211 a-212 a).
  2. Socrate répète ce qu’a dit Phèdre (234 c) du discours de Lysias.
  3. De lui sont nés en effet les trois discours (cf. p. 27, n. 2).