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PHÈDRE

ment bien fait, il éprouve d’abord un frisson, et quelque chose l’envahit sourdement de ses effrois de jadis. Puis le voici qui tourne ses regards dans la direction du bel objet ; il le vénère à l’égal d’un dieu ; s’il ne craignait même de passer pour être au comble du délire, il offrirait, comme à une sainte image et à un dieu, des sacrifices au bien-aimé ! Or, au moment où il voit, se fait en lui le changement qu’amène le frisson : b une chaleur inaccoutumée. C’est que, une fois reçue par la voie des yeux l’émanation de la beauté, il s’échauffe, et l’émanation donne de la vitalité[1] au plumage ; l’échauffement, de son côté, fait fondre ce qui, concernant l’expansion de cette vitalité, s’était depuis longtemps fermé sous l’action d’un durcissement et l’empêchait de germer. Mais l’afflux de l’aliment produit un gonflement, un élan de croissance dans la tige des plumes à partir de la racine, dans tout le dedans de la forme de l’âme. L’âme en effet, au temps jadis, était tout entière emplumée ; la voilà donc, en celui-ci, dans une ébullition générale et toute palpitante ; c ses impressions sont exactement ce que sont, dans le cas de la dentition, les impressions de ceux qui font leurs dents, quand ils sont tout juste en train de les percer : une démangeaison, un agacement[2], c’est identiquement ce qu’éprouve en vérité l’âme de celui chez qui commencent à pousser les plumes ; elle est à la fois en ébullition, agacée, chatouillée dans le temps où elle fait ses ailes.

« Or donc, le voilà qui regarde dans la direction de la beauté du jeune garçon. De là provient un flot de particules, et c’est précisément pour cette raison que ce flot est

    collective et l’existence de chacun de ses termes. Cette opposition s’exprime souvent par celle de deux mondes : l’un au-dessus de nous, perdu dans le lointain, perdu aussi pour l’actualité du souvenir ; l’autre, d’ici-bas et actuel. Cf. 249 c, 250 ab, 274 a : ces grands, ces augustes objets sont la réalité réellement réelle de 247 c fin, e déb.

  1. Cette physiologie de l’émotion amoureuse, qui est bien dans le ton du mythe, se comprend mal si, au mot grec que j’ai rendu par donner de la vitalité à (ranimer), on donne partout son sens propre : arroser. On ne s’explique plus alors que, par l’effet de la chaleur, ce qui était durci, puisse fondre et donner issue à la poussée du germe.
  2. Les mots dans les gencives ont été éliminés ici comme étant une glose : je doute que cette précision ait semblé nécessaire à Platon.