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PHÈDRE

qui, moteur d’autre chose, est mû aussi par autre chose, la cessation de son mouvement est la cessation de son existence. Il n’y a dès lors que ce qui se meut soi-même qui, du fait qu’il ne se délaisse pas soi-même, ne finit jamais d’être en mouvement ; mais en outre il est, pour tout ce qui encore est mû, une source et un principe d de mouvement. Or un principe est chose inengendrée ; car c’est à partir d’un principe que, nécessairement, vient à l’existence tout ce qui commence d’exister, au lieu que lui-même, nécessairement, il ne provient de rien ; si en effet il commençait d’être à partir de quelque chose, il n’y aurait pas commencement d’existence à partir d’un principe[1]. D’autre part, puisqu’il est chose inengendrée, l’incorruptibilité aussi lui appartient nécessairement ; il est évident en effet que, une fois le principe anéanti, ni jamais il ne commencera lui-même d’être à partir de quelque chose, ni autre chose à partir de lui, s’il est vrai que c’est à partir d’un principe que toutes choses doivent commencer d’exister. Concluons donc : ce qui est principe de mouvement, c’est ce qui se meut soi-même ; or cela, il n’est possible, ni qu’il s’anéantisse, ni qu’il commence d’exister : autrement, le ciel entier, la e génération entière venant à s’affaisser[2], tout cela s’arrêterait et jamais ne trouverait à nouveau, une fois mis en mouvement, un point de départ pour son existence. Maintenant qu’a été rendue évidente l’immortalité de ce qui est mû par soi-même, on ne se fera pas scrupule d’affirmer[3] que c’est là l’essence de l’âme, que

    (Tusc. I 23, 52) et que donnent les Mss. médiévaux : il s’agirait de ce qui se meut toujours. La leçon du papyrus 1016 d’Oxyrhynchus (début du iiie s. ap. J.-C.) est bien préférable : Platon veut en effet établir que ce qui est automoteur est principe de mouvement pour soi comme pour ce qu’il meut, et cela éternellement ; ce sont les deux parties de la preuve résumée à la fin de d. Avec le texte usuel, la démonstration semble boiteuse (Notice, p. lxxvii sq.).

  1. Avec un autre texte, que suit Cicéron, le sens serait : il n’y aurait plus de principe. Soit ; pourvu qu’ici on ne garde pas le mot grec qui, trois fois déjà, a signifié venir à l’existence, car on ne peut, sans absurdité, dire qu’il ne naîtrait plus de principe !
  2. Nouvelle variante : le ciel, la terre se confondant… Mais l’idée est que, le principe automoteur disparu, tout mouvement disparaît.
  3. Cicéron n’a peut-être pas lu ce texte, car il traduit : Qui niera… ? Autrement dit : Qui se fera scrupule d’affirmer… ?