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PHÈDRE

priment en odes, en poésies diverses[1], il pare de gloire mille et mille exploits des Anciens, et ainsi il fait l’éducation de la postérité. Mais qui se sera, sans le délire des Muses, présenté aux portes de la Poésie avec la conviction que l’habileté doit en fin de compte suffire à faire de lui un poète, celui-là est lui-même un poète manqué, comme est éclipsée par la poésie de ceux qui délirent celle de l’homme qui se possède !

« Tu vois b tous les beaux effets — et encore ne sont-ce pas les seuls — que je suis à même de rapporter à un délire dont les dieux sont le principe. Concluons donc que ce n’est pas là en vérité chose dont, en elle-même, nous ayons à avoir peur, et ne nous laissons pas déconcerter par cet épouvantail d’une doctrine d’après laquelle il faut, à l’amitié de l’homme passionné, préférer celle de l’homme qui se possède. C’est le contraire : quand, non contente de dire cela, elle aura prouvé la thèse que voici, qu’elle se flatte alors d’emporter le prix ! la thèse d’après laquelle ce n’est pas dans l’intérêt de l’amant et de l’aimé que leur vient l’amour envoyé par les dieux ! Et nous, ce qu’en revanche nous avons à démontrer, c’est, inversement, que les dieux ont voulu le suprême bonheur de ceux-ci quand ils leur ont fait don d’un semblable délire[2]. c Sans doute cette démonstration ne convaincra-t-elle pas les esprits forts, mais pour des sages elle sera convaincante. Nécessité de savoir ce qu’est l’âme : Dans ces conditions, ce qui est tout d’abord requis, c’est qu’au sujet de la nature de l’âme, aussi bien divine qu’humaine, on se fasse des idées vraies en observant ses états et ses actes.

son immortalité ;

« Or voici d’où part cette démonstration : toute âme est immortelle. Ce qui en effet se meut soi-même[3] est immortel, au lieu que, pour ce

  1. La pureté de l’âme est inséparable d’une inspiration vraiment divine. Il y a donc deux sortes de poètes que condamne Platon : ceux qui ne sont que des techniciens sans inspiration, et ceux dont l’inspiration est impure et immorale ; seul un poète philosophe unira les deux conditions (cf. Lois IV 719 cd, VII 801 bc).
  2. L’amour inspiré des dieux ne peut être qu’un amour philosophique, celui qu’exalte Diotime (Banquet Notice, p. lxxvii sqq.).
  3. La plupart des éditeurs lisent ici le texte qu’a traduit Cicéron