Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome IV, 3 (éd. Robin).djvu/220

Cette page a été validée par deux contributeurs.
232 e
12
PHÈDRE

ter par de faibles motifs à une forte inimitié, mais sur des raisons graves lent à concevoir une légère irritation, pour les fautes involontaires ayant de l’indulgence et, celles qui sont volontaires, m’efforçant de les conjurer : ne sont-ce pas là des indices d’une amitié qui vivra longtemps ? Si cette idée pourtant a bien pu te venir, qu’il n’est pas possible à une amitié forte de se former s’il ne se trouve pas quelqu’un qui aime d’amour, il te faut alors réfléchir que, ni nos fils d ne nous importeraient guère ni, sans doute, nos pères et nos mères, ni nous n’aurions d’amis fidèles, puisque ce n’est pas dans une passion de cette sorte que ces attachements ont leur principe, mais dans des convenances d’un ordre différent.

« Autre chose : si c’est à ceux dont la requête est la plus pressante qu’on doit accorder ses faveurs, alors ce n’est pas non plus, par ailleurs, à ceux qui valent le plus qu’il convient de faire du bien, mais à ceux qui sont le plus dénués : puisqu’en effet ils auront été débarrassés des maux les plus grands, infinie sera leur gratitude envers vous ! Il y a plus encore : aux festins privés ce ne sont pas les e amis qui mériteront d’être invités, mais les mendiants et ceux qui aspirent à se gorger : ne sont-ils pas, eux aussi, gens tout prêts à marquer de la tendresse, à faire cortège, à se rendre à votre porte, à ressentir une joie sans bornes, à avoir envers vous la gratitude la plus vive, à vous souhaiter abondance de biens ! Mais non : ce qui probablement convient, ce n’est pas d’accorder ses faveurs à ceux dont la requête est véhémente, mais à ceux qui sont le plus à même d’acquitter une dette de gratitude ; ce n’est pas non plus à ceux qui se contentent d’aimer, mais à ceux qui méritent l’affaire ; 234 ce ne sont pas davantage tous ceux pour qui la fleur de ta jeunesse doit être objet de jouissance, mais quiconque te donnera, quand tu seras devenu vieux, part à ses biens ; pas davantage ceux qui, l’affaire faite, aimeront à se faire valoir auprès des autres, mais quiconque par pudeur s’en taira à tout le monde ; pas davantage à ceux dont le zèle est de courte durée, mais à ceux dont l’amitié

    contraire et que, supposant le mérite moral chez le poursuivant, il est pour l’autre, si ce dernier cède par raison, un instrument de culture morale (231 d ; 232 a, d ; 233 ab, d ; 234 b). À cet égard, quelles