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PHÈDRE

ne sont nommés que pour donner le change sur l’intention essentielle. Bien plus, si l’objet principal semble en être constamment Lysias, c’est qu’une aversion personnelle se trouve ainsi satisfaite (cf. p. xix sqq.) ; c’est qu’il n’y avait pas, pour donner au trait final sa véritable valeur, de meilleur artifice que de concentrer l’attention tout entière sur l’homme que le public littéraire se plaisait à mettre en parallèle avec Isocrate. Tout au long du dialogue, c’est le nom de celui-ci que devait attendre le lecteur du temps, et il n’était question que de Lysias ! Ce lecteur ne pouvait cependant manquer, si tout ce qui a été dit plus haut est vrai, de ressentir à quel point s’appliquaient mal à Lysias la plupart des observations de Platon, à quel point au contraire elles portaient contre Isocrate. La brusque apparition de son nom quand la lecture est déjà presque achevée, l’inattendu d’un éloge, tout cela lui révélait enfin que son sentiment ne l’avait pas trompé : le compliment n’était qu’une nasarde, et, dans un éclat de rire, il devait savourer la malice de l’effet comique ainsi obtenu.

Examinons au reste les éléments de l’éloge d’Isocrate. — Il a des dons naturels supérieurs. En effet, c’est ce qui, nous l’avons vu, est à ses yeux la condition fondamentale de l’éloquence ; mais qu’est-ce que cela, pour Platon, sans la philosophie entendue comme une recherche désintéressée de la vérité ? — Il y a dans son caractère une particulière noblesse. Or c’est justement ce que sa vanité solennelle ne cesse de proclamer ; mais, quand on a gagné tant d’argent à enseigner par quels adroits mensonges il est possible de duper autrui, suffit-il pour être cru d’affirmer qu’on est honnête ? — Vient ensuite le pronostic sur ce qu’on peut dans l’avenir attendre d’Isocrate quand il aura un peu vieilli. Mais, à quelque date qu’on place la composition du Phèdre, du moment qu’on renonce à en faire un écrit de jeunesse, certainement alors Isocrate est déjà un vieillard ; chacun est donc à même d’apprécier si ces merveilleuses promesses ont été tenues et si, malgré l’étude et l’exercice, la supériorité de ses dons naturels a produit les effets décisifs qu’elle aurait dû produire. — À la vérité, une pointe s’ajoute ici : cela arrivera, même

    l’époque, un thème de dissertation, on en a un indice à la fin de la note précédente.