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NOTICE

qui ne vous servira absolument de rien pour apprendre à persuader. Si c’est en effet la persuasion qui est le but de l’orateur, il n’y a que nous pour en enseigner l’art. Or le principe de la persuasion n’est pas du tout la vérité : c’est la vraisemblance, à telle enseigne que, si le vrai est invraisemblable, il vaut mieux le taire et que, au contraire, le vraisemblable peut servir à faire douter de la réalité du vrai. C’est donc qu’il est beaucoup moins utile de connaître la vérité que de savoir quelle peut être l’opinion des gens à qui l’on s’adresse » (260 a, d ; 262 c déb. ; 272 de ; 273 a-c ; 277 e déb.). — Tout au contraire, d’après Platon, s’il y a un homme à qui il appartienne, et encore seulement pour s’amuser, d’employer la parole à égarer ses auditeurs, c’est uniquement celui qui sait la vérité (262 d). Ce qui prétend être indépendant d’un tel savoir, et par conséquent la pure instruction rhétorique, voilà ce qui en réalité ne saurait être rien de plus qu’une préparation à ce qu’il est nécessaire d’apprendre (269 bc). — Interrogeons à présent l’ « honnête » Isocrate. On verra sans peine que la thèse qui, selon Platon, est celle de la Rhétorique et des rhéteurs, c’est justement la sienne : il se contente d’en dissimuler les conséquences scandaleuses. Pareil en cela au Calliclès du Gorgias (485 a-d), il engage les jeunes gens à consacrer un peu de temps à étudier les théories de ceux qui s’intitulent « philosophes », mais à ne pas s’y dessécher l’esprit. Comment de pareilles méditations serviraient-elles jamais à la conduite de nos affaires ou de celles de l’État ? Il n’y a rien là (exception faite du profit qu’y trouvent les gens qui en font commerce !) qu’une gymnastique de l’esprit et une préparation à des études plus sérieuses et les seules qui soient utiles (Antid. 261-269, 285). Les gens qui se livrent à des occupations de cette sorte et qui se flattent de posséder le savoir sont incapables de donner le moindre conseil pratique : on a bien raison de les mépriser comme des diseurs de riens et de tenir leurs études, sans rapport avec la culture de l’âme, pour un vain bavardage (ἀδολεσχία ; cf. Phèdre 270 a déb.). Ceux qui en jugent ainsi sont au contraire des hommes de bon sens, qui au lieu de faire des embarras pensent comme tout le monde ; qui préfèrent à la prétendue rigueur d’un savoir vide les opinions généralement reçues. C’est un enfantillage de croire qu’elles puissent être remplacées par des paradoxes auxquels personne, sauf des très jeunes gens